Natif du village-forteresse Al Kelâa N’Ath Immel, la région m’a continûment fasciné, avec ses montagnes, ses prairies, ses forêts, ses Méditerranée et des continents lointains, des expatriés, et des gens du voyage, pour y cultiver les terres fertiles, faire de l’élevage et y habiter tout simplement.
Hélas, ces lieux oubliés qui ont abrité ces populations sont peu connues des riverains. Et devant l’absence des associations, des pouvoirs publics, oeuvrant pour leur sauvegarde et leur réhabilitation, leurs vestiges, les pans de ces édifices disparaissent petit à petit sous les alluvions, les affaissements ou la ferveur de la construction bétonneuse, sauvage des nouveaux parvenus Les preuves de l’histoire grandiose d’un peuple se sont ses monuments, ses ruines et rien d’autre. C’est quoi l’Egypte sans ses pyramides ? La Grèce antique sans son Acropolium, ses sculptures… ? Rome, sans son Colisium, ses cirques, ses mosaïques ?
La partie iconographique sans être adéquate n’est qu’accessoire, pour illustrer les propos.

Les montagnes des environs d’Akbou
Agueldaman (Adrar Gueldaman)
Cette petite montagne, abandonnée seule au milieu de la vallée de la Soummam, intrigue le voisinage. Elle fait face à Akbou, au massif montagneux des Aït Mellikech, Iouzellaguen. Elle est connue sous l’appellation Aguellid wamen (Maître des eaux). N’est-il pas un roi protégeant les eaux et la région aux temps reculés ? Les ruines attestent de l’emplacement d’un temple recouvert d’un mausolée funéraire Numide ou Romain. On croit aussi reconnaître un poste romain d’Auzum surveillant la région et le cours du Flumen Nabar (Assif n Sumam).
M. Faglin, note dans l’Echo de Bougie, 2002 : « De la période romaine il reste, par exemple, aujourd’hui un monument appelé le ’’tombeau romain’’ et qui est une véritable célébrité de la région d’Akbou. Il est situé sur le versant occidental du ’’piton’’ d’Akbou, qui fait face à cette localité. Il domine la route qui va de Bougie aux Béni-Mansour et aurait été élevé à la mémoire d’un des gouverneurs de la ville romaine d’Ausum, c’est à dire, l’Akbou actuel. Il appartient à la catégorie des mausolées, surmontés d’une pyramide, et pourrait selon Stéphane Gsell, s’apparenter par son aspect extérieur à un célèbre tombeau qui s’élève à Amrith en Phénicie (actuel Liban). Ce mausolée d’Akbou ne semblerait pas antérieur au IIè siècle après J.C. »
D’après l’existence d’un gisement datant du néolithique, la butte était occupée pendant la préhistoire par des chasseurs. Une industrie essentiellement osseuse : lissoirs, poinçons, pointes de sagaies etc.… a été retrouvée, après la fouille de 1925. Des tessons de poterie décorés, des haches polies, des pierres à rainures, des outils de silex et des objets de parure ont été également déterrés.

Montagnes de la région d’Akbou
Pétra
C’est un autre endroit injustement oublié par la mémoire collective, dont l’histoire est riche.
Sammac, un autre frère de Firmus (prince Berbère du IIIe - IVe siècle qui s’était soulevé contre Romanus), a construit un château à Pétra, aussi grand qu’une ville, au pied de la montagne d’Imoula, à environ 60 kilomètres de Vgayeth, en direction d’Akbou.
Théodose, pendant la guerre menée par Firmus, occupa Tubusuptu et rasa jusqu’aux fondations le château de Pétra. Les montagnards de cette région, les Tyndenses et les Massinissenses (probablement les Imssissen qui habitent la région de Mlakou), défendirent leur honneur jusqu’à ce que mort s’ensuivit. Les contingents de ces tribus étaient commandés par deux autres frères de Firmus, Mascezel et Dius.

Les environs d’Amizour
Tiklat (Tubusuptu)
C’est la cité des vétérans romains de la Légion VII Immunis, bâtie à une vingtaine de kilomètres de Vgayeth, à 3 kilomètres d’El Kseur, et au pied de la montagne des Ifnayen. Cette cité-forteresse, dite ’’ Tubuscum Oppidum’’, est adossée au Nord-Est d’une éminence haute de 30 mètres. Une série d’arcades, en pierre de taille, des vestiges, côtoient les herbes sauvages. Les restes d’établissements publics et les portions de mosaïques attestent du goût artistique des habitants de cette cité implantée au cœur de la Petite Kabylie.
On nous l’a présentée jadis comme une cité fantôme, une cité placée hors du temps et de l’histoire. La mémoire collective n’a retenu que les mystérieux tunnels peuplés de moustiques géants et d’introuvables trésors enfouis sous des tonnes de pierres. Nul n’est venu nous la décrire et nous fournir des renseignements historiques ou archéologiques. Le réalisateur du film ’’La montagne de Baya’’, Azzeddine Meddour, a fait connaître aux téléspectateurs le site ’’Tiklat’’ (Tubusuptus) en mettant en scène un chercheur de trésor. En vain, car le trésor est demeuré introuvable. En revanche, un vieux coffre empli de pièces d’or, datant des Almohades a été trouvé au niveau du virage, avant d’arriver à la ferme coloniale, lors des travaux engagés, pour élargir la route nationale

La route d’El Kseur
On trouve, sur la crête du site, de vastes citernes, un château d’eau comprenant quinze compartiments, au bas près de la colline, les débris d’un temple dont les murs sont corrodés par les eaux de la Soummam et qui finiront par être emportés un jour. Près du temple, des bâtiments défient encore l’usure.
Tubusptu a fait son nid d’aigle sur le sommet d’un mamelon rocheux. Les ailes du rapace s’allongent jusqu’au creux de la vallée, les détrempant dans la Soummam. La ville avait une vocation agricole, les Romains avaient su diriger le captage de l’eau de la rivière pour les besoins de l’irrigation, au moyen de travaux de barrage dont il reste quelques conduites.
Il y a aussi les vestiges d’un aqueduc qui prend sa source à Aghbalou à proximité d’Aït Imel-Aït Jlil, traversant Iznagen et alimentant Tubusptu.
Takfarinas, un chef berbère, en réaction contre l’injustice des Romains, occupa Tubusuptu en l’an 25. Le proconsul Dellabella vint le forcer à lever le siège.
Trois siècles plus tard, Firmus, fils de Nubel de la nation quinquegentienne (tribus Kabyles du Djurdjura), se révolta contre le gouverneur impérial Romanus, qui a interdit de pratiquer le culte donatiste. L’empereur s’empressa d’envoyer en Afrique le Comte Théodose qui arriva à Tubusuptu et l’investit. Firmus, ayant perdu la bataille, ne se laissa pas prendre vivant ; au moment d’être livré par un allié perfide, il se donna la mort.
Une inscription, trouvée en exécutant les travaux de terrassement de la nouvelle église de Vgayeth, signalait, que vers l’an 293, une autre expédition aurait été dirigée contre les quinquegentiens : « A Junon et aux autres divinités immortelles ! En reconnaissance de ce que, après avoir réuni autour de soi les soldats de nos seigneurs, les invincibles Augustes, tant ceux de la Mauritanie Césarienne que ceux aussi de la Sétifienne, il a attaqué les quinquegentiens rebelles" (…) Aurelius Litua, homme perfectissime, gouverneur civil de la province de Mauritanie Césarienne a élevé ce monument".
Plus tard, Gildon, frère de Firmus, prit le flambeau de la résistance. Il a fallu l’intervention du Comte Boniface, général de Valentinien III, pour venir à bout des tentatives d’insurrection.