Photo prise par Nacer Boudjou
« Par leurs traditions d’essence démocratiques, laïques, les berbères n’ont aucun embarras d’évoluer dans les institutions républicaines de France. » Le Salon E. Le Gras de l’Hôtel de ville de Longwy-Bas a servi le dimanche passé de cadre pour l’exprimer haut et fort. Des thèmes d’actualité : Ecole, famille et crise identitaire, dynamique identitaire, culturelle et valeurs républicaines ont été débattues par les intervenants invités à une table ronde par l’association des Franco Berbères de Longwy et de la Coordination des Berbères de France, en partenariat avec les municipalités de Longwy et de Mont Saint Martin. On ne se bouscule pas au portillon, mais le nombre de personnes présentes suffit à lui-même, tant leur érudition, leur engagement, leur responsabilité dans les municipalités et la société est déterminante. Au premier rang, on peut distinguer : Christian Ariés, conseiller général, Boris Maxant, Jacques Foerster, Dominique Mauvais, Akli Birrou, élus de la municipalité de Longwy, Marie-Thérèse Sohyer, élue de la ville de Longlaville... Ainsi que les membres des associations.
Hossaïn Bendahman, docteur en psychanalyse et maître de conférence à l’université de Reims a ouvert le débat en orientant son sujet sur l’acculturation et le pluralisme des identités. Dans sa brillante intervention, il a dit en substance « Selon les théories psychanalytiques, en occurrence freudiennes, un enfant sans racines est sujet à l’angoisse d’affiliation. Il lui faut des conditions d’identifications adéquates pour bénéficier d’une relation authentique avec l’autre. C’en est une forme de thérapie qui lui fait diminuer ses pulsions d’agressivité et de conflictualité. »
Dans un autre registre, Madame Jaqueline Brigidi, directrice d’école à la retraite, élue à la ville de Mont-Saint-Martin a relaté sa longue expérience dans une école maternelle à la ZUP du Val de Mont Saint Martin. Elle a eu à faire aux enfants issus de l’émigration. Il fallait connaître leur culture d’origine pour faire passer les programmes scolaires. Mlle Dinar Stéphanie, juriste auprès du tribunal de Briey, quant à elle, s’était toujours posé la question identitaire tout au long de son cursus scolaire « Mon histoire, ma culture, ma langue n’existe pas dans les manuels scolaires. A aucun moment mon identité ne m’a été reconnue. Personne ne m’a expliqué ce que je suis. J’avais le sentiment de rentrer dans une case, puis assimilée à une musulmane, arabe, beurette... et d’autres entités hasardeuses. » Dans son intervention, elle a exprimé son besoin de se rattacher à ceux de ses racines, et demande aux établissements culturels, pédagogiques d’y prêter attention. Mme Jedjiga Ouggad-Douillard, psychologue clinicienne en retraite, membre du Congrès Mondial Amazigh, enseignante de langue Berbère, a tiré la sonnette d’alarme sur l’acquisition des valeurs originelles « La transmission de nos valeurs ancestrales berbères est menacée. Elles ne sont pas prises en compte. Tous les repères sont perdus. On est logé dans une case préparée, car nous parents viennent de l’Afrique du Nord. » Quant au Maître Kahoukhi, avocat, secrétaire général de l’Association des Juristes Berbères de France, il a fait un petit détour pour expliquer l’harmonie avec laquelle les berbères composent avec les institutions de la république française, puisque « Le droit coutumier berbère et toutes les lois qui régissent la société berbère et en particulier kabyle sont d’essence démocratiques et républicaines. Il n’y aucune incompatibilité avec les institutions nationales françaises. Le civisme villageois kabyle est un bon exemple. » La contribution aux débats par Salah Abchiche, assistant parlementaire du député Edouard Jacques s’est targuée à indiquer un sentiment de pessimisme sur l’ouverture au monde berbère en milieu scolaire et dans la société en général. En dernier, Mlle Yamina Hadiouche, DESS en développement local et formation, elle est effarée devant la montée de radicalisme religieux en milieu universitaire. Ceci dit, l’assistance n’est pas restée de glace à toutes ces communications, plusieurs points de vue ont enrichi les débats.
Pour conclure, M. Saadi Mustapha, président de la Coordination des Berbères de France est désolé devant son propre constat « Certains kabyles ont renoncé à leur langue et une partie de leur culture... Aujourd’hui rattrapés par le temps, ils vivent une crise identitaire. A ajouter à cela, un grand nombre parmi eux est victime d’une machination islamistes, où dans le milieu pédagogique, en croyant bien faire, les responsables au plu haut de la hiérarchie ont ramené des enseignants de l’Afrique du Nord pour encadrer les petits ‘’Maghrébins’’. Le résultat est flagrant. Ce qu’ils leur apprennent est rétrograde, moyenâgeux et explosif. »
L’honneur revient à Rachid Moukah, éducateur spécialisé, psychomotricien, président de la Coordination des Franco Berbères du Bassin de Longwy d’avoir été un modérateur sans faille et organisateur attitré.