Par Nacer Boudjou
D’aucuns s’accordent à dire que Marseille n’aurait point vu le jour, si la mer n'avait été à ses pieds et si le port ne l'avait pénétrée en son centre, ouvrant une brèche avec la continuité du ruisseau Jarret.
Dans la nuit des temps, cette région a su capter des peuplades primitives, étourdies par la magie de la mer et du soleil. Jean Louis Vaudoyer est le premier à l'affirmer: « Aujourd’hui la mer est d’un bleu chatoyant ; sur ce bleu tremble une vapeur diffuse un satin sous la mousseline. Les îles éparses ont le brun violâtre des coques de l’oursin. Le ciel est à peine un peu plus pâle que la mer. » La mer topaze et les côtes hospitalières de Marseille la primitive (qui ne s’appelait pas encore Marseille) ont vu l’arrivée des marins des grecs originaires de Phocée, chassés par les Perses. Deux récits, celui d’Aristote et de Justin d’après le Gaulois Trogue–Pompée, narrent leur arrivée dans la région qu’habitaient les Ligures. « Au temps du roi Tarquin, écrit Justin, de jeunes phocéens venus d’Asie (…) mirent la voile vers les golfes les plus reculés de la Gaule et fondèrent Marseille entre les Ligures et les nations sauvages des gaulois (…). Ils arrivèrent dans un golfe gaulois à l’embouchure du Rhône (…) séduits par la beauté du lieu (…). Ils allèrent trouver le roi des Ségobriges, nommé Nannus (,.. ) » La fondation de Marseille est le véritable symbole de la vie et du rapprochement des peuples qui se recherchent dans un combat ultime.
Quand les flottes ottomanes se joignirent à celles des marseillais
Les premiers marseillais s’adonnèrent au commerce des produits locaux : métal, blé, vin, huile… Ils installèrent des comptoirs sur la côte orientale et occidentale. Elle devint, au détriment des Etrusques une république bâtie sur le commerce, dont ses navires sillonnaient la Méditerranée. Plus tard, après les diverses incursions sarrasines au IXe et Xe siècles, les Aragonais l’assiégèrent en 1423. En réaction à ces attaques, le roi René, comte de Provence fortifia l’entrée du port en édifiant la tour Saint–Jean, sur l’emplacement de la tour Maubert, ruinée par les Aragonais. Il traita avec les souverains barbaresques, le bey de Tunis et de Bône (Annaba), pour garantir la sécurité de la navigation commerciale. La ville de Marseille, fortifiée, ne craignait plus l’ennemi à venir du sud, c’est-à-dire de l’Afrique du Nord, rassurée en outre par la signature de traités commerciaux avec les barbaresques. En 1543, Marseille meurtrie, reçut une autre visite, celle-là amicale, de l’amiral ottoman Barberousse, allié de François 1er. Ses flottes se joignirent à celles des marseillais et allèrent attaquer Nice qui se trouvait sous la tutelle espagnole.
Colbert et l’essor économique
Après les guerres de religion, des soubresauts politiques, entre les républicains et les royalistes et la peste, qui tué des milliers de personnes, une note d’espoir fit dire à André Bouyala d'Arnaud dans son ‘’Evocation du vieux Marseille’’ : « L’histoire a habillé Marseille d’une robe tissée de lumière et de contrastes, spécifiquement méditerranéenne. Cette ville reçoit chaque jour la caresse du flot bleu, vert et violet d'où surgit une vertu miraculeuse faite à la fois d'équilibre et de mirage, de volupté et de purification. » L’édit d’affranchissement de Colbert provoquant un essor économique général, Marseille sortit de sa longue léthargie. Les navires se gorgèrent de produits à exporter où à importer par la mer. L’activité citadine s’élargit à la création intellectuelle et artistique. En 1726 fut inaugurée l’Académie, grâce à son protecteur, le maréchal de Villars, gouverneur de Provence. Les peintres et les sculpteurs formèrent une école. Marseille a connu sa physionomie actuelle grâce au gouvernement de Napoléon.
Une population composée de peuples méditerranéens
La population de Marseille s’accrut de plus en plus, elle comptait en 1866, quelques 300 000 habitants. Au XIXe siècle, elle devint une ville importante de la migration des peuples méditerranéens. La guerre de 1914-1918, le repli économique favorisent l’installation des travailleurs issus des pays colonisés par la France, en particulier d’Afrique du Nord. De longue date, le Vieux-Port grouille de monde, chante dans toutes les langues, aux différentes accents. Alphonse Daudet avant de s’embarquer pour Alger à destination de Miliana le décrivait à cette époque : « Les magasins de confections bizarres, des baraques enfumées de marchands de pipes, des marchands de singes, de perroquets, de cordes, de toiles, de voiles, de bric-à-brac fantastique. Partout un encombrement prodigieux de bois, saumons de plomb, draps, sucres, caroubes, colza, réglisse, cannes à sucre, l’orient et l’occident pêle-mêle »..
De longues promenades
Toutes les plantes qui s’y trouvent sur le littoral marseillais ont été introduites au fur et à mesure des échanges commerciaux avec les pays. Croze-Magnan (1813), le dit dans les ‘’Mémoires de l’Académie de Marseille’’ : « Jetons un instant la vue sur la campagne de cette ville ; dirait-on, en la voyant ouverte de vignes, d’oliviers, de mûriers, de figuiers, de câpriers, etc.… que ces végétaux sont des colons transportés par nos pères et plantés de leurs mains ! ces étrangers, cependant, ont pris la place des indigènes… ».