Le saxophone à la couleur dorée, inventé et enseigné par Adolphe Sax, a une force, une rapidité, un timbre qui râtelle large. James Carter play-boy du sax, surfe des solos enchevêtrés. Chasin' the Gipsy et Django Reinhardt flirtent avec la période Swing et le jazz manouche.
Par Nacer Boudjou
En 1846 à Bruxelles, Antoine Joseph Sax, dit Adolphe Sax (Dinant, 1814-Paris, 1894), décida un jour de créer un instrument qui puisse combler le manque existant entre les instruments à cordes (le violon), les bois (comme les flûtes ou la clarinette), et les cuivres (comme le tuba ou la trompette). Ainsi, il déposa le brevet de l’invention du saxophone. Son but pour ce nouvel instrument était qu'il puisse avoir « la flexibilité des cordes, la variété de ton des bois et la puissance des cuivres ».
Adolphe utilisa un matériel rudimentaire : un tube en cuivre de forme conique et un bec avec une anche en bois. Le 20 mars 1846, sans à cor et à cri, le premier saxophone était né, Adolphe Sax venait d’avoir juste ses vingt printemps. C'était un saxophone basse en Do qui enchanta hâtivement certains compositeurs de l'époque, tant il émouvait par la beauté de son timbre et son agilité. Revenant aux traditions des XVIe et XVIIe siècles, il constitua une « famille » de saxophones, de 14 tailles différentes, comme il le fit d’ailleurs pour les autres instruments. La moitié seulement sont encore utilisées à présent. On distingue en effet, en partant du plus grave, le saxophone contrebasse, le basse, le baryton, le ténor, l'alto, le soprano, et le sopranino. Il est toutefois à savoir que les sopranino, basse et contrebasse sont extrêmement rares. La famille des saxophones est donc au complet. Chaque instrument ayant un son et un ambitus bien distinct de l'autre, pour un vaste registre d'utilisation.
Durant de nombreuses années, malgré les louanges enthousiastes de Rossini, Meyerbeer et Berlioz entre autres qui l’utilisèrent cependant dés 1844, le premier dans son Hymne sacrée, le second dans un oratorio, Le dernier roi de Juda. le saxophone fut victime des polémiques qu’avait suscitées son apparition. Puis à petit à petit, il conquit les orchestres lyriques, symphoniques : Hamlet, A. Thomas ; L’Arlésienne, Bizet ; Boléro, Ravel…La musique contemporaine lui a ouvert les portes. Les compositeurs tels que Berg, Honegger, Jolivert etc. l’ont incorporé à l’orchestre.
En 1857, une classe de saxophone avait été créée au Conservatoire de Paris
Adolphe Sax pour professeur. Supprimée en 1870, elle ne fut rétablie qu’en 1942, grâce à Claude Delvincourt, et confiée à Marcel Mule. C’est à lui en effet que l’on doit par sa triple action de concertiste, de quartettiste et de pédagogue, l’instrument a connu son développement. Néanmoins, on peut dire que c'est réellement dans le Jazz que le saxophone a pris toute son ampleur. En effet, il représente rapidement l'un des meilleurs moyens d'expression de cette musique, dès l'émergence de cette dernière au début du XXème siècle. Le répertoire du saxophone est infiniment plus vaste qu’on ne le croit généralement et ne cesse de s’accroître dans tous les domaines.
L’attrait de son timbre chavire les cœurs
Le Saxophone, en particulier le ténor, est l'un des Instruments dont le timbre se rapproche le plus des voix humaines. Ceci peut sans doute expliquer son succès à travers le temps, mais également l’image qu’il détient et qu'il donne aux musiciens qui en jouent. Il a depuis longtemps, grâce au jazz et à l'apparition d'un certain style de jeu dans les années 30, ballades ou des thèmes sentimentaux de manières très sensitive... pour faire craquer les cœurs. Le saxophone a également une force et une souplesse qui lui permet de se placer commodément dans des thèmes très rythmiques et séduisants. Il suffit d'écouter Coleman Hawkins aussi bien que John Coltrane pour s'apercevoir de l'aura que peut avoir le saxophoniste à travers le timbre de son instrument et la particularité de son jeu. On trouve d'ailleurs des saxophonistes qui ont des sonorités diamétralement opposées, et c'est ce qui fait la multiplicité de l'instrument. Le timbre du saxophone pouvait parfois évoquer celui de l'homme, ce qui le rend sans doute accessible à tous de par les vibrations qu'il produit à l'écoute. Il représenterait la voix masculine: grave, chaude et charmeuse; l'alto serait la voix féminine: ronde et séductrice; le soprano, l'enfant turbulent: agile et guilleret; et pour finir le baryton: une grand- mère ou un grand-père un peu grincheux mais plein de malice.
Le saxophoniste quant à lui est parfois montré comme un être mystérieux, un peu rebelle, un séducteur fou... Il est difficile de rester indifférent face à cet instrument, ne serait-ce que du fait de son aspect: le cuivre, la couleur dorée et la forme particulière. James Carter le Playboy du saxophone, surfe sur des airs asymétriques. The Gipsy Django Reinhardt flirtent avec la période Swing et le son du jazz manouche. Louis Armstrong, Count Basie, Billie Holliday, Coleman Hawkins et de Charlie Parker…ont célébré le son séducteur du saxophone.
Fin