Pour marquer la Journée internationale de la femme, une rencontre organisée en partenariat avec la municipalité de Haucourt-Moulaine, la coordination des berbères du bassin de Longwy, la MJC, les clubs de football olympique et de prévention adéquat, a été proposée au public. Cette conférence avait pour thème: "Les mères contre les femmes", un sujet qui demeure peu abordé et qui a été présenté par Mme Camille Lacoste-Dujardin.
D'habitude, la femme subit de mauvais traitements de par l'homme, cependant, Mme Lacoste-Dujardin a démontré qu'elle en subit aussi par des personnes du même sexe, en l'occurrence sa mère ou sa belle-mère dans les sociétés nord-africaines, kabyles en particulier. L'ethnologue Camille Lacoste-Dujardin avoue que c'est la femme elle-même qui reproduit sans cesse le système répressif, maintenant la gent féminine dans une sorte de tension déraisonnable.
Directrice de recherche au CNRS, spécialiste de l'ethnologie arabo-berbère, elle s'appuie, pour parler de ce thème, sur ses connaissances approfondies sur la langue kabyle, et de ses publications: Le Conte kabyle, et Dialogue de femmes en ethnologie. En plus, elle a passé sept années dans le Djurdjura, en Kabylie, un séjour qui lui a permis d'apprendre beaucoup de choses.
Dans son introduction, elle relève les observations les plus perceptibles de cette relation entre les deux sexes: "Que de contradictions invraisemblables dans les relations entre les hommes et les femmes de la Méditerranée! Contradictoire, l'attitude des hommes à l'égard des femmes, tantôt les méprisant, les bafouant, les aliénant, tantôt les adorant, mais toujours les redoutant.>
Les ordres de la belle-mère
Camille Lacoste-Dujardin dit en outre que c'est la mère qui se charge du choix d'une femme pour son fils. Le monde hermétique des femmes ne peut être exploré que par une femme pour en comprendre le fonctionnement. Ainsi, marier son fils, c'est aussi embaucher une nouvelle employée, voire une servante pour les tâches ménagères, placée sous ses ordres. C'est donc la soumission et des pratiques magiques ineffables tendant à répudier la bru, à la faire détester par son mari qui sont mises en pratique. Une lutte acharnée et sans fin est ainsi engagée: "C'est contradictoire que les apôtres zélés de cette domination masculine, les artisans de son inculpation se trouvent être des femmes elles-mêmes, et surtout des mères.>
Si les hommes, pendant les rites du mariage et des festivités protocolaires qui leur sont attachées, s'occupent des formes et des contours officiels, les femmes, et particulièrement la mère du jeune marié, jouent un rôle prépondérant dans "la conception et les modalités du mariage. Femmes de savoir et d'expérience, elles ont la position stable, assurée au sein du matrilignage, grâce à la maternité de plusieurs garçons(...) Elles tiennent certains hommes sous leur dépendance et leur influence sur leurs fils".
L'originalité de la conférence de Mme Dujardin réside dans la place importante souvent hégémonique prise par la mère dans les sociétés maghrébines en faisant marcher l'engrenage de la machine familiale à leur guise.
Nacer Boudjou, Républicain Lorrain 17 03 05 |