par Malek Alloula (Algérie) - AUTODAFE n°2 - Automne 2001
our Assia Djebar
D’où vient qu’au détour d’une discussion alors informelle sur la notion d’« intouchable » – ainsi que sur toutes celles qui lui sont connexes, et dans cette sorte de rêverie, aussi abstraite qu’accueillante, qui entoure comme d’un halo les idées naissantes sur un thème évocateur – surgisse abruptement le très lointain souvenir d’une grave recommandation maternelle par laquelle s’exprimait une double interdiction touchant très allusivement (métaphoriquement, à vrai dire) aux tabous attachés à la nourriture et au sexe ?
Je ne devais guère avoir plus de treize ou quatorze ans. Les grandes vacances d’été, qui duraient alors trois mois pleins, nous avaient ramenés, mon frère cadet et moi, du pensionnat vers la maison familiale pour nous abandonner à une totale oisiveté, cette mère prolifique de tous les vices selon la sagesse des nations.
Ce devait être une fin d’après-midi caniculaire, au sortir d’une sieste obligatoire que mon père nous imposait et tenait à nous voir scrupuleusement respecter – ce que nous fîmes ce jour-là, comme les
autres fois.
Au réveil, notre mère nous avait, selon son habitude, réunis autour d’un café et de beignets aux raisins secs que nous prenions sous la tonnelle ombragée de lierre, attendant que l’air fraîchisse avant de nous
permettre d’aller rejoindre nos compagnons de jeu sans risquer l’insolation et les saignements de nez consécutifs.
Je la revois et l’entends aujourd’hui encore nous dire, de sa belle voix lente et bien timbrée mais non exempte de tremblement dans certains cas émotionnellement bien précis :
« Mes enfants, il est illicite (haram) pour vous de manger chez les chrétiens mais licite (hallal) de le faire chez les israélites. En revanche, il est illicite de dormir chez l’israélite et licite de le faire chez le chrétien. »
Lorsque ma mère nous fit part de ce que je ne pouvais prendre que comme un conseil indispensable à la conduite bien réglée d’une vie au jour le jour, le contenu immédiat de la mise en garde ne me posa nul problème puisqu’il concernait deux actes simples, biologiques en somme : manger/dormir – et que pouvait espérer faire d’autre un enfant à l’âge que j’avais sinon, hibernant, manger et dormir en attendant que survienne l’âge adulte ?
En réponse aux quelques questions formelles que mon frère et moi crûmes nécessaire de poser, soit pour de menus éclaircissements, soit pour prolonger la palabre, ma mère se livra à une exégèse sans notable surprise pour nous.
Elle se limita strictement au commentaire du sens littéral et évident de la recommandation, à savoir que les chrétiens consommaient du porc [1] – que Dieu prohibait absolument dans son Livre. Les israélites, quant à eux et tout comme les musulmans, pratiquaient le sacrifice rituel du bétail, ce qui rendait leur nourriture consommable et en conformité avec nos préceptes religieux.
Pour ce qui était du gîte, ma mère fut moins prolixe, plus évasive dans ses explications, sans cependant laisser paraître le moindre embarras pédagogique, puisqu’il en allait de sa crédibilité et de ses vertus persuasives.
Son argumentation, je m’en souviens, tournait autour du sabbat [2] – et des strictes observances religieuses qu’il impliquait pour les israélites et auxquelles, en dormant chez eux, nous nous serions malgré nous associés, ce qui aurait été assurément plus que sacrilège. Car, comment, en bon musulman et sans renier son ancestrale foi, se mêler aux nocturnes et longues prières des adorateurs de Jéhovah ? Le risque d’apostasie n’était pas vaine ou chimérique frayeur, il existait bel et bien – la preuve : elle frissonnait à la seule évocation de ce danger potentiel.
Nous apprîmes qu’en revanche, chez les chrétiens, n’existait aucune incompatibilité religieuse de cette sorte, puisqu’il est dit que le musulman – l’heure de la prière venue et faute de mosquée à portée de tapis – pouvait s’acquitter de ses devoirs dans une église, laquelle n’était autre que la maison sanctifiée de Sidna’Issa et Lalla Mariam.
Nous n’en demandions pas tant pour, enfin, la tenir quitte d’avoir, encore une fois, amplement rempli son rôle d’éducatrice avisée et souhaitions que, convaincue par nos démonstratifs hochements de tête et notre air pénétré, elle abrégeât sa péroraison – nous avions en effet hâte de rejoindre nos copains dont les rires et le chahut nous parvenaient de la rue.
Ma mère finit par consentir à nous lâcher sur une dernière question, dans laquelle il me semble, mais a posteriori, c’est-à-dire dans mon souvenir aujourd’hui dramatiquement reconstruit, revécu, qu’elle ajoutait une note légèrement angoissée dans le ton qu’elle adopta pour nous la poser avant notre ludique et bruyante évasion :
« Vous vous en souviendrez ? Vous vous en souviendrez, n’est-ce pas, mes enfants ? Vous n’oublierez pas, c’est promis ? »
Je ne puis affirmer que nos acquiescements enthousiastes et zélés eurent sur ma mère l’effet rassurant souhaité, si tant est qu’on ait pu, à notre âge, imaginer devoir solennellement et fermement lui promettre quelque chose.
Elle était trop fine mouche et surtout pas naïve au point de croire que le conseil pressant qu’elle venait de nous délivrer ex abrupto s’inscrirait en lettres indélébiles dans nos mémoires labiles d’adolescents insoucieux.
Je pense plutôt – compte tenu de son tempérament tolérant, de ses profondes convictions éthiques, lesquels ne pouvaient en rien minimiser la portée des leçons que la vie ne manquerait pas de nous prodiguer à foison – qu’elle faisait entièrement confiance à la bienfaisante Providence divine pour nous guider et nous maintenir dans le droit chemin – celui de la non-transgression, du respect de l’interdit.
D’où vient donc et à quoi tient la grande prégnance de ce souvenir issu de l’enfance et que la mémoire me restitue aujourd’hui avec la plus grande précision et dans toute la fraîcheur du fait récent ?
À y réfléchir, il me semble que ce dut être le dernier « grand conseil » que ma mère nous donna, qui clôturait la liste de tous ceux qui l’avaient jusque-là précédé et dont je pourrais, mais sans grande originalité ou quelconque pertinence, reconstituer l’échelonnement chronologique et l’interne hiérarchisation.
Ma mère, nous guidant jusqu’à ce seuil de l’adolescence et de la puberté, fit comme toutes les mères : elle prit en charge et assuma, à l’ombre du foyer familial et avec toute l’attention requise, ses devoirs de première éducatrice avant de passer le relais à mon père pour parachever le « dressage [3]».
Quoi de plus naturel et indiscutable en effet que cette transmission par la voie (voix) maternelle d’un savoir sur la vie et ses usages ainsi que sur la conformité morale que toute société exige de ses futurs adultes ?
Je repense aux successives mises en garde parentales plus ou moins anodines ou solennelles qui, régulièrement et graduellement, ponctuèrent cette tranche de vie qui s’étale sur mes dix-huit premières années [4]. Par leur immanquable convergence, elles finirent par déterminer la configuration, dans l’espace mental et physique, d’une sorte de topographie de l’interdit spécifique et, de façon générale, celle du domaine extrapolé de l’« intouchable ».
Ainsi ai-je, un temps – armé de solides et univoques critères discriminatoires –, progressé sans notable hiatus dans un monde pré-décodé et ordonné, tout en évoluant dans une région permise, licite, strictement bornée, où ne pouvaient, évidemment, coexister deux entités opposées (haram/hallal) s’excluant réciproquement. Dans ce monde transparent mais déjà dangereusement clivé par le fait de l’occupation coloniale, l’insistance mise à désigner méticuleusement l’« intouchable » relevait de l’adoption de rigoureuses mesures prophylactiques – une sorte de cordon sanitaire contre la contagion – puisqu’en dépendait le salut de l’âme, comptable, au jour du Jugement dernier, des manquements et péchés commis sur terre. Elle devait, cette âme – sous peine d’être condamnée à endurer d’éternels et cauchemardesques tourments [5] –, se présenter dans le plus grand état de pureté [6] devant son créateur.
Mais avant d’en arriver à m’inquiéter sérieusement de ces considérations sur les fins dernières – cette eschatologie domestique –, il me fallait continuer de vivre et cela au sein d’une société qui, hélas, ne s’ordonnait pas selon la simple et élémentaire dichotomie de mes éducateurs.
Me prenant désormais socialement en charge, j’étais donc censé, dans mes comportements de tous les jours, être apte à mettre en application ces préceptes de la vie droite qui auraient dû déjà m’avoir adéquatement conditionné, au point de m’éviter par anticipation toute hésitation ou tout trouble intérieur.
En effet, et au regard de l’inviolabilité de l’interdit, le cheminement sur le droit chemin exclut atermoiements, lâches faiblesses, pusillanimités, coupables tergiversations et autres accommodements avec le ciel.
Mais il s’avérait également – pour peu que la bonne volonté et la fermeté morale du rejeton ne soient pas aussi assurées que l’eussent espéré ou sciemment voulu ses parents – que cette voie étroite était plus facile à décrire, à rendre apparemment désirable qu’à emprunter et s’y tenir sans jamais dévier.
Dans cette société algérienne où coexistaient encore trois communautés religieuses autarciques, je me mouvais certes à l’intérieur d’un monde familier, qui était le mien et celui de mes coreligionnaires, mais non sans pour autant côtoyer les frontières poreuses des deux autres, à travers lesquelles il était, malgré tout, possible de faire des incursions pleines de juvénile curiosité et de ludique dépaysement.
Ces trois univers juxtaposés dans le même espace obligeaient le jeune homme que j’étais à se livrer à une sorte d’épuisante gymnastique mentale pour ne pas perdre de vue l’essentiel (selon mes parents) et parer à tout fourvoiement, à toute chute dans le péché absolu.
L’expérience aidant et le sens de la relativité de toutes choses se faisant jour en moi m’amenèrent à quelques préliminaires constatations qui commencèrent par ébranler les préjugés que mes parents m’avaient légués par devoir et auxquels, à présent, je ne suis plus sûr qu’eux-mêmes adhéraient aussi pleinement qu’ils en donnaient l’impression.
Cette sournoise et progressivement envahissante suspicion acheva de démolir, après les avoir sapées, non seulement mes bonnes intentions filiales mais également mes capacités à pouvoir définir l’« intouchabilité » de telle ou telle chose, de tel ou tel domaine.
Au fil du temps, ce démaillage s’aggrava de l’indubitable constat que la réalité concrète, fût-elle morale, était plus complexe, moins univoque que mes géniteurs ne me l’avaient laissé entendre puisqu’ils ne pouvaient, sans faillir à leur rôle de transmetteurs, à la fois m’assener une vérité et l’amoindrir par un quelconque et superflu scrupule de dernière minute [7].
S’ajoute à tout cela, et in situ pour ainsi dire, l’effet d’ultimes constatations dont l’évidence non seulement me frappait alors mais également humiliait rétrospectivement en moi ces capacités intellectuelles naissantes que ne manquaient pas de louanger, pour en tirer motif à fierté, tous ces proches attachés à mon salut spirituel ainsi qu’à ma virginité morale.
Revenant sur tout cela aujourd’hui, il m’apparaît que l’élaboration de cet échafaudage spécieux d’interdits ne pouvait réellement tenir qu’à la condition de s’aveugler volontairement ou d’être surnaturellement doté d’une volonté capable de brider ces profonds élans du corps s’éveillant à la sexualité.
Faute d’être pétri dans la même farine que celle dont on fait les saints, je ne pouvais que constater, sans autre émotion notable, l’effritement d’une casuistique aussi spécieuse que rébarbative et assurément peu faite pour les épanouissements désordonnés et bourgeonnants de l’adolescence.
Mieux, tout semble, en effet, se passer comme si le fait de désigner clairement l’« intouchable » revenait à semer dans le jeune et malléable esprit le germe d’où naîtra l’idée tellement excitante et bravache de la transgression que l’on s’est secrètement promis d’accomplir plus tard, une fois affranchi du carcan social et de sa plate hypocrisie.
Aussi, ai-je fini par comprendre que ma mère – sans directement nommer les choses et en usant d’un fallacieux argument religieux pour nous signifier l’impossibilité de rapports sexuels entre musulmans et femmes juives – n’avait rien fait d’autre que rendre ces femmes d’autant plus désirables qu’une mention toute spéciale leur était réservée dans le vaste livre des interdits, laquelle les singularisait au-delà de toute mesure et les dotait de ce statut de fruit défendu dont la seule évocation suffit à faire plus qu’abondamment saliver.
À l’inverse, la prohibition de la viande de porc ne pouvait avoir sur moi le même retentissement émotionnel, dans la mesure où, par penchant personnel, je n’éprouvais nulle attirance pour sa consommation. J’associais, en effet, cette viande à un lointain et quasi traumatique souvenir d’enfance dans lequel résonnent toujours, désespérés et stridents, les cris d’agonie des cochons qu’un couteau effilé saignait matinalement dans ce village colonial que nous habitions et sur lequel planaient longtemps les odeurs de soies brûlées et celle écœurante de la confection du boudin. (Cette nausée rémanente m’empêche jusqu’à présent de marquer le moindre arrêt devant l’étal d’un charcutier ou de faire honneur à cette fausse et triste « cochonnaille kasher-hallal » qui imite si bien l’autre, la transgressive, la « pur-porc ».)
Sans faire en l’occurrence preuve d’une grande originalité dialectique, je demeure persuadé que l’existence coercitive et inhibitrice de l’Interdit favorise non seulement la tendance à la jouissive transgression, lorsqu’elle est suivie du passage à l’acte, mais également contribue, dans notre imaginaire, à l’élaboration du si vital et nécessaire processus fantasmatique.
Ici, cette lente remontée en amont dans le souvenir m’amène à retrouver
d’autres recommandations maternelles dont j’isole, sans y revenir, celles qui, se référant en particulier au domaine sexuel, présentent les mêmes précautions
langagières faites de litotes, de pudiques rébus, de faux lapsus, d’énigmatiques anecdotes et autres coquetteries d’énonciation.
Ne me souvenant pas très précisément des diktats maternels qui jalonnèrent ma lointaine période bucco-anale, j’en arrive à cet instant vécu où me fut signifié, à l’âge de onze ans, mon irrémédiable bannissement du bain maure des femmes – événement qui marqua pour moi et comme au fer rouge l’irruption péremptoire, scandaleuse et arbitraire de l’interdit majeur –, irruption qui ne suscita dans la bouche de ma mère, en manière d’excuse et de navrement, que ces pauvres mots, banals et bouleversants à la fois :
« Tu es grand, à présent, mon enfant. Tu vois comme tu es grand ? »
Comment pouvais-je savoir alors qu’il s’agissait, à mes dépens, d’un remake du scénario de la chute originelle dont l’idée m’obsède aussi totalement ?
Comment rendre à présent, par les sonorités de mots écrits dans le silence, le bruit que fit cette porte de bain maure lorsqu’elle me fut claquée au nez et qui claque encore et toujours devant mes yeux effarés et mon air hagard ?
Voici maintenant ce que je voulais dire, avouer : tous mes désirs et fantasmes, mes rêveries joyeuses et tristes, mes vibrations intimes, mon incommunicable récit, tout cela dont mon imaginaire dépend, provient de ces interdits qui me furent très largement et « innocemment » dispensés dans le cercle étroit et aimant de ma famille.
Dès lors, comment lui en vouloir, à cette famille, de m’avoir offert ce cadeau différé ?
1. En langue arabe et comme pour rendre encore plus répulsive sa consommation et aggraver en quelque sorte le tabou par des précautions prophylactiques, le même mot (khanzir) désigne à la fois la viande de porc et la maladie du cancer.
2. La proximité phonétique entre sabbat et le mot arabe sabt, qui désigne le samedi, nous semblait rendre encore plus réel le risque de confusion dont, en toute bonne foi, s’alarmait ma mère. Aussi, lorsque l’une des familles israélites habitant notre village faisait appel à moi le vendredi soir pour allumer le feu et les bougies, ne pouvais-je faire autrement qu’être profondément impressionné par cette fugitive incursion dans un domaine où je ne devais surtout pas m’attarder et encore moins songer à gîter.
3. L’essentiel de l’éducation de l’enfant se fait par le truchement de la mère, laquelle considère que son rôle s’arrête au seuil du monde sexuel. Cette « cessation d’activité pédagogique » est concrètement matérialisée par la brutale, inexplicable et arbitraire exclusion de l’enfant mâle du bain maure des femmes. Prenant pour ainsi dire la suite, le père, quant à lui, se contente, en tout et pour tout, d’assumer le passage de l’adolescent à la vie sociale en restant inaccessible pour ce qui est de répondre aux névralgiques questions, déléguant implicitement ses prérogatives aux frères aînés, cousins et autres oncles maternels chargés, sans détenir de particulières compétences en la matière, de conduire le rejeton sur ce périlleux chemin des dames.
4. Enfant, puis adolescent, j’ai assez longtemps joué avec l’idée que l’indissoluble couple haram/hallal – comme pour les duels dans les westerns – se livrait un éternel et mortel combat auquel j’ai souvent préféré donner une issue hasardeuse dans laquelle entraient, pour en justifier l’aspect aléatoire, des considérations me faisant innocemment côtoyer la plus évidente mécréance. Cette vision des choses, je l’avais même sonorisée en lui adjoignant une sorte d’obsédante comptine s’appuyant sur la répétition de la première syllabe que les deux termes ont en commun.
5. Le récit eschatologique – dramatiquement amplifié et sans cesse repris au cours des « causeries éducatives » –, par ses effets sur de jeunes sensibilités très facilement impressionnables, ouvrait sur des visions cauchemardesques dans lesquelles l’âme du pécheur se débattait pour l’éternité dans des tourments et tortures sans nom que, par surcroît, l’imagination populaire se plaisait à raffiner dans la cruauté comme s’il s’agissait avant tout de se faire peur, se terrifier, afin de ne pas risquer de céder à la tentation.
Cette récompense dans l’au-delà, quotidiennement recherchée, obtenue, méritée et cause d’une dissection minutieuse des faits et pensées, je dus assez vite apprendre à oublier qu’elle était concrètement indispensable. Infiniment lointaine, la sanction, malgré les chaudrons d’huile bouillante, les flammes de la géhenne et autres calamités, perdait de son supposé pouvoir dissuasif – le duo haram/hallal ne donnant plus alors et que de loin en loin de la voix.
6. Dans cet univers si fortement clivé, la souillure, envers de la pureté, est entendue dans ses acceptions aussi bien morales que physiques. C’est ainsi que sont dressées, pour être inculquées à l’enfant, toute une nomenclature et une typologie précises de la souillure. Ce faisant, lorsqu’il s’agit de souillure physique, il apprend également les moyens et pratiques pour s’en délivrer afin de n’être plus en état de haram. En revanche, pour ce qui regarde la souillure morale – cette sorte de haram absolu qui accompagnera l’individu tout au long de son existence –, seul le Créateur a le pouvoir d’en tenir quitte sa créature, nul sur terre n’étant là pour absoudre à sa place.
7. Pour que la leçon prenne – comme on dit d’un ciment qu’il prend –, il allait de soi que la stricte définition du Bien et du Mal devait être aussi rigide que possible et que les frontières entre haram/hallal clairement et nettement déterminées. Aussi devenait-il impensable, pour les enfants que nous étions, d’envisager, malgré les axiomes de la toute-clémence et la toute-miséricorde divines, de nous livrer à l’exercice d’une casuistique serrée nous assurant par anticipation d’un rachat et d’un pardon des fautes et blasphèmes qui auraient alors été commis en toute impunité.