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Parole retrouvée

VIP-Blog de nboudjou
  • 137 articles publiés
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  • Créé le : 15/02/2005 11:34
    Modifié : 17/03/2008 17:26

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    Savoir aimer, savoir donner... pour la petite fille Calypso

    20/02/2005 01:59



    Un show musical, un couscous convivial, le tout sous chapiteau à Longwy-Haut. Ils étaient 380 à exprimer leur solidarité envers Calypso, la petite Longuyonnaise souffrant d'une infirmité cérébrale.

    Par  Nacer Boudjou

     

    Samedi, sous le chapiteau accolé au restaurant Bel Canto du Vauban, ils étaient près de 380 à conjuguer leur amour, leur solidarité en faveur de la petite Longuyonnaise, Calypso, souffrant d'une infirmité cérébrale.

    Autour d'un couscous, devant un plateau artistique où divers chanteurs et danseurs se sont succédé, Pascal et Christelle Giner, parents de la petite, ont mesuré la forte adhésion à leur combat pour aider Calypso et pouvoir bénéficier de la thérapie américaine (lire par ailleurs). Elle est âgée d'un an et demi. "Je ne saurai remercier tous ceux qui ont répondu à notre appel: les maires du bassin de Longwy, les conseillers municipaux, généraux, régionaux, le parlementaire, les associations, les sponsors, les gens de bonne volonté de la région et d'ailleurs. Tous ceux qui sont venus de loin, ainsi que tous les bénévoles>, dit Pascal à côté de sa fille Calypso, serrée dans les bras de son épouse.

    Sur scène, après les chanteurs: Claudio et compagnie, Christophe, Batouly, chanteuse et danseuse malgache, Atone, c'est au rythme de Savoir aimer, savoir donner de Mickael Ravot, que les enfants, les couples ont dansé avec ferveur, afin d'exprimer leur amour et leur alliance pour Calypso. Puis les Walker's ont fait valser tous les participants sur des rythmes d'hier et d'aujourd'hui.

    L'idée de cette soirée revient à Patrick Vouaux, coordinateur et parrain de l'opération de l'aide, du gérant du Bel Canto, et bien entendu de Mickael Ravo, chanteur malgache, qui a écrit et composé spécialement un CD. D'autres talents ont apporté leurs contributions bénévoles pour les arrangements, l'impression des jaquettes des albums, etc. La chanson élaborée pour la circonstance exprime une conviction d'amour et de courage: "Ce bout-de-chou d'un an et demi - semblait perdu pour la vie - crescendo les interdits de la maladie - qu'on ne peut pas soigner ici." Pascal et Christelle Giner tiennent dans leur bras Calypso. une petite fille qui a tant besoin qu'on l'aide.

    Paru le : 2004-11-09 00:00:00 (Longwy / Actualité)






    Nacer Boudjou, poète, nouvelliste

    19/02/2005 14:29



     

    Tout d'abord

    Nacer Boudjou, poète et nouvelliste,né à El Kelaa N'Ath Immel (Sidi Aïch) dans le département de Bgayet (Bougie), Algérie.
    Aprés son passage dans les écoles d'art et les médias algériens, tunisiens, il vit et travaille en France en collaborant à la presse française et luxembourgeoise.

    Ce qu'ils disent de lui:

    C’est plein d’odeurs ; d’images ; de convictions fortes. On est souvent embarqués dans des voyages qui le disputent aux rêves et aux découvertes extraordinaires. On vit l’angoisse des personnages. On est souvent au centre de belles aventures humaines.
    Le style est littéraire, fouillé. On sent que l’auteur a pris plaisir à écrire. C’est le style ‘’Chroniques’’ qui est aussi intéressant. Et puis ce va-et-vient entre terres racines et terre d’exil est intéressant.
    C’est un beau travail de souvenirs mais aussi de ‘’partis pris’’. Dans la lignée des Tahar Djaout et des écrivains méditerranéens.
    J’ai donc beaucoup aimé ce rapport à l’autre, le fidèle mais aussi l’étranger. La veine n’est pas tarie des écrivains sensuels.

    Guy-Joseph Feller, journaliste, écrivain


    J’ai lu une partie de votre roman. Il y a là beaucoup de vie, de la couleur et de la force.

    George Jacquemin, écrivain


    Je viens de finir ton roman. Tout jugement esthétisant me paraîtrait bien superficiel devant le constat amer, la révolte, le profond questionnement qu’il contient ; l’exigence, aussi, et la conscience.
    La personnalité du journaliste est extrêmement complexe et riche, et c’est à mon sens, ce qui sauve le livre du désespoir.
    Le contraste entre sa sensibilité à fleur de peau et la barbarie environnante pose avec urgence le problème de la conduite à tenir pour préserver la civilisation, en tant que matrice de toute créativité.

    Anne-Françoise Dorbec, professeur de littérature française

    Visage aux mille visages, il est le portrait de ses pères jusqu’à l’infini des origines, il est le portrait de ses enfants jusqu’à l’infini du devenir, l’écho du passé vibre de toutes les fibres d’aujourd’hui, et demain laisse augurer des moissons nouvelles, car il est le maillon d’une chaîne qui résiste aux intempéries.
    Une nouvelle (Boudjou est nouvelliste), un poème (il est aussi poète), un article dans un périodique (il est également journaliste), un cou de pinceau lumineux (il est surtout, enfin, un artiste plasticien qui touche à toutes les techniques qui donnent forme à l’expression, qui expriment les sentiments et les émotions dans une réalité subjective), voilà un outillage qui nous éclaire « d’une lumière singulière un coin de notre vécu au seuil du non-sens et de l’espoir ».

    Ali Sayad, anthropologue


    Ensuite

    J’ai du mal à comprendre certaines choses ! Et j’espère de tout cœur ne pas être le seul ! Le terrorisme, la violence, quelle qu’elle soit, n’a jamais engendré que du malheur. Que penser des responsables belges, quand il est question de livrer des armes au Népal - par exemple - cité comme une démocratie naissante ? Comme si tout devait se régler à coups de mitrailleuses FN. Comme si le conflit Hussein-Bush allait résoudre tous les problèmes géopolitiques mondiaux. Vous me direz : quel rapport avec la littérature ? Quel rapport avec la poésie ? Je répondrais : de prime abord, aucun. Mais, tout compte fait, c’est aussi aux gens de l’écriture, aux journalistes - ces écrivains de l’ombre - qui veulent que la morale soit sauvegardée, dussent-ils y laisser des plumes, aux écrivains qui ne sont pas que de doux rêveurs, de montrer qu’eux aussi ont des messages à faire passer, des messages de paix, d’espoir et de reconstruction. Dans les pages qui suivent, Nacer Boudjou, sur un ton souvent crû, qui peut choquer certaines âmes sensibles, dans sa nouvelle, décrit, dans une plume acérée et trempée au vitriol comment il ressent l’Algérie. Plus jamais ça ! L’enfer des camps de concentration d’Auschwitz, admirablement peint par Marcos Winocur, à travers Primo Levi, a de quoi faire frémir. Ce n’est pas rose ! Eh non ! Il nous faut faire ressurgir la pourriture qui a émergé au cours de l’Histoire, pour que ça fasse partie du passé, pour que les hommes acquièrent une dignité qui les élève davantage. Pourquoi tant de misère, tant de disproportions entre des hommes, des femmes et des enfants qui vivent sur le même sol. Gentes gens, qui avez du pouvoir, ne minez pas notre Terre, ne misez pas sur une planète à feu et à sang !

    Patrice Breno, éditeur ‘’Traversées’’

    •Quelques nouvelles à découvrir dont certaines sont publiées:

    -Seul, sous un chêne
    -L’homo erectus
    -La torche
    -La porte de la Kaaba

    Seul, sous un chêne

    1

    Tantôt assis, tantôt debout, adossé au tronc d’un chêne, arbre miraculé, j’endurais les canicules des étés consécutifs. Il avait été épargné in extremis, lors de l’élargissement de la chaussée. J’y faisais des rêves fabuleux, en décryptant les mots d’amour, entaillés dans son écorce squameuse par des désespérés romantiques. Je voyais la bande d’hommes inoccupés s’embusquer au bas de la butte. Certains d’eux se démenaient pour se rendre à la plage, d’autres aux bistrots mal famés, chavirer leur désarroi dans les abysses de l’alcool. Ils avaient même le culot de venir jusqu’au bas de l’arbre, pour déféquer la culotte en l’air. Un jour j’en avais surpris un, en flagrant délit. Il avait dû fermer si vite sa braguette qu’il s’était pris le zizi dans sa fermeture éclair. Je l’avais traité d’arroseur d’ammoniac de merde ! Sous le résineux, je ne faisais pas d’excès de zèle. Je ne désintégrais pas mon énergie à vagabonder sur les rivages des rivières, de la mer... Ou à ingurgiter des chopes de bière réchauffée, pisse de bourrique. Je méditais le sort de ma vie. D’ailleurs, quand la chaleur atteignait son paroxysme, l’oxygène s’amoindrissant dans mes poumons, je me baignais mentalement, dans le grand bleu. Contrairement au tournesol qui suit la rotation du soleil, je me déplaçais au gré de l’ombre dense du chêne. Dont les aiguilles tamisaient le halo de lumière. L’été entamé, les oiselets étaient encore dans leur nid. En plus, à la portée de mes mains. J’étais leur parrain attitré. J’avais connu leurs parents, venus au printemps, y édifier leur logis. J’étais témoin de l’initiation à voler de leurs propres ailes. Maintes fois, je les avais ramassés et remis dans leur refuge, en grimpant à l’arbre, sans fendiller les branches. Ce que je n’admettais pas, par contre, c’était leurs sales cacas, atterrissant sur mes épaules et parfois dans mes cheveux.

    2

    Je vomissais jusqu’à la rate les culs-levés de campagnards. Ils me guignaient continûment du coin de l’œil. Depuis que certains des leurs m’avaient accusé d’un vol de sono dans la mosquée. Aujourd’hui, une telle accusation non fondée est passible des tribunaux : présomption d’innocence. En plus, ils avaient conspiré avec le magistrat pour que le verdict soit conséquent. Le juge de la cour ne m’avait pas donné le temps de constituer une défense. Une sentence expéditive. J’avais écopé six mois de prison ferme, sans recours et sans procès. Je n’avais été libéré que grâce à la Ligue des Droits de l’Homme, laquelle avait alerté les ONG et les instances humanitaires. De surcroît, ma libération coïncida avec l’amnistie des révoltés hitistes du 5 octobre 1988. Ces révoltés désœuvrés, sans emplois, sans études et sans perspectives d’avenir, rêvaient d’une Arche de Noé. Les rapports de police les apparentent, aux casseurs d’autobus, de magasins d’état, de pilleurs de ministères, de commissariats et de bureaux du parti unique... De nuit, des commandos encagoulés s’étaient introduits chez eux, tels des vampires et les avaient appréhendés devant leurs parents, mutilés dans leur amour propre. Ils les avaient embarqués dans des fourgons dépersonnalisés, vers des destinations tenues secrètes. Ils les avaient torturés à la gégène, au savon, bastonnés, sodomisés... D’autres avaient été arrêtés par hasard, aux alentours de ces édifices vandalisés. Plusieurs avaient été surpris pendant le couvre-feu. Devant la presse, j’étais leur héros, car je les avais soutenus dans leur lieu d’incarcération, sans nom, sans adresse et sans l’identité des gardiens.

    3

    Les villageois étaient hors d’eux, le fait de n’avoir pas purgé ma peine jusqu’à son terme... Ils me considéraient tel un renégat, un khabit, un mécréant, un voleur de la parole de Dieu, un diable noir... Et bien d’autres qualificatifs qui ne me réconfortaient guère. Alors que je suis orphelin de père et de mère. Ma génitrice avait été tuée un matin pluvieux, d’un mois de décembre dans notre hara, maison, par des raids aériens de l’aviation colonialiste. Elle y voulait sauver le coffre berbère, seul héritage de mon grand-père maternel, dont lequel était conservé, son carnet d’enrôlement de la guerre 14-18 et des croix... sous la bannière française. Mon grand-père me répétait fréquemment « Quand tu seras grand, tu iras en Lorraine, voir les tranchées des tiens. Qui ont succombés au gaz ypérite, aux obus, aux baïonnettes... Tu te recueilleras devant le Mémorial de Verdun et l’Ossuaire de Douaumont érigés en leur mémoire ». Il terminait sa phrase en élevant la voix chevrotante. « Ils étaient plus de 400 000 à y mourir pour le triomphe de la liberté... Je veux que mon vœu soit exaucé ! ». Le vœu de mon aïeul m’avait conduit à penser au rôle d’historien que j’interpréterais. Il est vrai que d’après les libres penseurs, chroniqueurs et témoins scrupuleux, l’historien est exceptionnellement l’éclairé. Il s’investit des actes, des souffrances, des sacrifices des morts pour leur attribuer une place privilégiée dans la mémoire collective de l’histoire. Quant à mon père, caché dans une casemate, il avait à ses trousses des goumiers. Il avait tenté de traverser à la nage la rivière en crue, les courants l’avaient emporté avec une liasse d’argents, trésor de la résistance nationale. Je n’ai de famille que ma grand-mère qui m’a élevé. Et un frère qui m’avait renié, en prenant la partie des campagnards fielleux. Les grands et les petits de mon village, y compris leurs mules avaient cru avec obstination, que j’étais le voleur de la sono de la mosquée. Peut être à cause de mes idées pro anarchistes, un peu communistes, nihilistes, hédonistes, épicuriennes, esthètes et quoi d’autres... Ils n’avaient de preuve contre moi qu’un jour de l’Aïd, fête du mouton : je voulais changer le cours de l’histoire en enfonçant la cassette d’un chanteur contestataire dans le lecteur audio de la mosquée.

    4

    Sous le chêne, j’établissais le compte à rebours. J’entrevoyais les péripéties se dérouler dans mon cinéma intérieur. Etre libéré du cachot était un fait, mais s’insérer dans la société et dans le marché du travail en était un autre. Au niveau de la cour de justice, j’étais en prison, non acquitté. Je n’avais pas bénéficié d’un non-lieu, d’un authentique jugement. Mon casier judiciaire demeurait chez les juges pour instruction. Sans ces documents, aucun employeur n’avait pu m’embaucher. Des années de chômage s’étaient succédées jusqu’au jour où j’avais obtenu le passeport d’apatride. J’embarquai pour la France. Arrivé à Paris, ce fut la galère, nuit et jour. Je trimais et je ne pouvais joindre les deux bouts. C’était la saison du givre, du verglas, de la poudreuse et de la grisaille ininterrompue. Il faisait, des mois durant, un temps à ne pas mettre un chien dehors. Mes habits légers ne firent pas l’affaire. C’était à cette période que j’avais contracté la crève, la saloperie de bronchite pulmonaire et un début d’ulcère. J’avais pris la résolution de rentrer au pays, quitte à garder les vaches ou les brebis de ma grand-mère. Une fois revenu dans mon hameau. Rien n’avait évolué, du côté de la tendresse des cœurs. Les culs levés étaient devenus tellement exécrables, envers ma pauvre personne, qu’en me croisant dans les sentiers escarpés, ils crachaient leur tabac à chiquer, en psalmodiant des versets coraniques. Ils ne cessaient de se questionner. Comment le HCR m’avait-il concédé le statut de réfugié politique ? Et la préfecture m’avait-elle établi un passeport d’apatride ?

    5

    Par un temps blafard, toute vie fugace éteinte, un laboureur en guenilles, chaussé de sandales en peau de bœuf, m’apostropha, en me tendant un panier en fibres végétales empli de fruits et de légumes. Il me demanda la permission de converser. Il roulait les R… avec une voix gutturale, propre aux gens qui vivent sur les crêtes des montagnes surplombant ma bourgade. Il disait qu’à chaque fois qu’il empruntait la route tortueuse, pour rendre visite à sa fille malade, mariée à un gars de mon village, il m’apercevait sous le chêne. Il supposait que je faisais du stop, pour me rendre en ville ou à la plage. Au fil de la discussion, il finit par m’avouer qu’il était un médium. Qu’il comprenait le monde qui nous entoure. Qu’il communiquait avec les esprits et lisait les mains et les étoiles. Je lui avais posé la question de savoir d’où il tenait sa science ? Il m’avait répondu que c’était inné, à l’exemple des sourciers et des guérisseurs. Il comprenait ce qui m’était arrivé, en m’assurant que dans les prochains jours, la sono serait restituée à la mosquée du patelin. Et que le voleur était parmi l’assemblé des sages du hameau. Il me prit la main et la secoua si fort, que mes phalanges craquèrent. Il me dit qu’à partir de cet instant, nous étions des amis soudés pour une même cause. Il partit. Il s’effaça dans la perspective des champs, en aval, sans examiner derrière. Ses pas feutrés s’évanouirent dans le silence de la végétation rabougrie. Je le hélais, pour qu’il reprenne son couffin. Sans tourner la tête, il entonna « Garde-le, je sais que tu es végétarien. Dorénavant, tu en trouveras régulièrement un, posé au pied du chêne ».

    6

    Après la conversation avec le laboureur, les gendarmes survinrent au pied de mon arbre. D’une voix fluette, le chef de la brigade, me dénomma et me pria courtoisement de signer un accusé de réception d’une convocation, portant à l’en-tête le sceau du tribunal de la circonscription judiciaire. Sur la banquette arrière du véhicule, je reconnus Si Lhanafi, au regard fuyant, l’imam de la mosquée du bourg, coincé entre un bric à brac de câbles, de haut-parleurs et de sono, gardé en respect par un adjudant à la moustache torsadée. Je compris qu’il s’agissait du voleur de la sono. J’allais leur dire « Alors vous avez trouvé la sono ?» Je m’étais dit à quoi bon amuser la galerie ? A l’instant où les gendarmes étaient partis, ma grand-mère surgit d’un fourré, essoufflée, tenant une canne à la main gauche. Elle bredouilla « Ils ont trouvé la so... c’est Si Lhanafi, l’imam... qui l’avait volé pour faire la prière avec les khouandjis à Zbarbar ». Machinalement, je lui répondis « Et moi qui paierait mes mois de tôle ? »
    Quelques mois s’écoulèrent et j’avais obtenu l’acquittement en bonne et due forme. Mais, bien entendu, sans dédommagements. Par conséquent, à la bourgade, l’attitude des habitants envers moi ne se modifia pas d’un iota. Personne n’était venu me présenter des excuses. Au contraire, ils se constituèrent en délégation de pseudo sages, et allèrent déposer un recours auprès du tribunal.

    7

    Le conseil des sages du hameau, somma chaque habitant de verser une cotisation. Ou, à défaut de s’arc-bouter à trimer cinq journées de labeur (équivalent à la main de Fatma ou aux cinq préceptes de l’islam) pour évaser la mosquée. Ainsi, il voulait que je donne des coups de pioche par-ci et de pelle par-là. J’avais blackboulé de me courber l’échine à l’édification d’une brigade de soldats de Dieu. C’en était trop ! Quelle blague que d’accepter ces corvées religieuses ? Ce conseil de petits veinards, vicieux, tombent-t-ils du ciel pour m’associer à leurs activités pernicieuses ? Comment oublier leur expédition punitive ? Tels des drogués d’une secte fanatisée par un Mollah, ces abêtis vinrent, à la tombée de la nuit, me faire sortir de chez ma grand-mère, avec mes amis français, Delphine, Sylvie, Pierre et Alain, que j’avais reçus lors de leur séjour au Mzab. Ces fous de Dieu avaient agi sous le prétexte que les filles sont légères et les garçons impudiques. Ils avaient osé s’en prendre à mes amis parisiens, que j’avais fréquentés lors de mes années à l’école des beaux-arts et durant mon séjour d’apatride. Je ne cours pas les bordels bon sang de bon sang ! Moi, je ne couche pas avec les veuves des martyrs de la guerre de libération ! Ils étaient survenus telle une cohorte de chacals, avec le Coran brandi à la main, nous bâtonner et précipiter dehors.

    8

    Le véhicule s’envola dans le ciel, et prit de l’altitude, en planant tel l’albatros. Nous étions dans le vide total. C’était la faute d’une guêpe qui tournicotait dans l’habitacle. Elle pirouetta, darda Ahmed sur la joue et se logea dans son oeil. Ahmed ne voyait plus rien. La pédale de frein lâcha et l’automobile dérapa. La peur au ventre, nous hurlâmes à tue-tête. Rien à faire pour stopper la bête fougueuse. Nous fîmes des tonneaux. Revenu à la conscience, je constatai que mes amis étaient inertes. Je n’entendais pas leur souffle. Nous étions claquemurés dans un agrégat de ferraille, de bris de verre et immergés dans un lagon de sang. Je n’entrevoyais que le côté gauche de la voiture où mon ami Ahmed était méconnaissable. La mâchoire défaite, le crâne fracassé. A travers sa chemise éraflée apparaissaient ses côtes fracturées. Un caillot de sang s’était solidifié sur son ventre dénudé. Mon corps inerte m’empêchait de me mouvoir. Je ne pouvais distinguer mes trois amis, assis au siége arrière. La voiture plantée sur son train arrière et le capot ouvert, me défendit de voir aussi où nous avions atterri. Un temps indéfini s’écoula. La sirène des ambulances hululait, des hommes en cuir noir et d’autres en blouses blanches inspectaient le véhicule, y évaluèrent les dégâts. Ils examinaient l’intérieur, pour déceler les survivants. Ils m’irritaient avec leurs yeux hagards, interrogateurs. Un des hommes à la barbe hirsute, édenté, cria à plein gosier qu’il était quasiment impossible d’ouvrir les portières, soudées sous l’effet du choc. Il avait tenté de les désopiler en les ballottant si fort que j’avais ressenti une douleur qui tenaillait tout mon corps. Je l’avais insulté, en le traitant de toutes les canailles du monde. Mais, Il n’avait rien entendu. Ma voix était inaudible. Non content du résultat, il avait ordonné à toute l’équipe des ambulanciers, de se servir du chalumeau. Du coup j’avais peur d’être la proie des flammes. Ce moment, entre la conscience et l’inconscience, était empli d’allégresse. Une extase culminante. Le Nirvana des enchanteurs de l’au-delà. Je dirais même, le summum de la vie tant rêvée. En revenant à ma lucidité, après un long soupir, je fus amené à choisir entre mourir ou vivre. J’en avais déduit que l’instant du seuil de la mort était parfait, sans grande peine, sans effort physique apparent. On demeure seul. Point d’ennemis à l’horizon. Pas de gens qui nous épient. Qui nous taraudent le cerveau. Qui nous truandent. Qui complotent derrière notre dos. Qui nous fusillent de leurs yeux globuleux. Rien que pour ça, vive la mort ! Dans la mort non plus, nous ne payons pas un centime. Tout est gratuit. Nous ne nous empiffrons pas. Nous n’allons pas aux vespasiennes. Personne n’urine au pied des arbres. Par contre, vivre, quelle mauvaise aubaine, quel sacrifice, quel désespoir ! Après tout, pourquoi ne pas se jeter pieds et poings liés dans le gouffre de la mort ? Cet instant de la mort que j’avais connu était frais. Une sérénité avait envahi tout mon être. Des parfums d’anges m’avaient couvert tout le corps. Une sympathie cosmique me berçait allégrement. Les trompettes de Jéricho chantèrent ma candidature devant les arcs de triomphe du royaume édénique. C’est complètement erroné, ce qu’on dit de la mort. C’est ici-bas que les êtres humains s’entredéchirent, se font du mal, en voulant vivre mieux que leurs confrères. A vrai dire, nous ne décidons ni de mourir et ni de vivre. Mais, moi j’étais comblé, j’avais le privilège des cieux, de choisir. Une seconde, mon petit doigt me démangea et me dit, pourquoi ne pas choisir d’y vivre, ne serait-ce que quelques jours ajoutés à une vie tourmentée ? Sinon un mois, une année... rien que pour voir la tête que les villageois m’auraient tirée ? Déjà, après le vol de la sono, ils avaient mâchonné que je méritais que la mort m’emporte. Ils m’avaient rendu auteur de toutes les catastrophes survenues dans la province montagneuse. Panne d’électricité, pénurie d’eau, grève des écoliers, invasion de criquets, de moustiques et d’étourneaux, sécheresse, incendie, choléra, typhoïde etc. Maintenant, qu’ils savent que je suis dans un ravin, avec mes amis dans le coma, ils sacrifieraient un veau, au mausolée du hameau. Rien que pour leur foutre la trouille, défaire leur fourberie, leur montrer mes capacités de survie, cela vaudrait la peine d’y vivre. Quand nous sommes vivants, les gens nous craignent et ne nous font pas subir leur bon vouloir. Même, ne pas agir sur eux délibérément, notre présence suffirait pour la défense de notre intégrité. Ils ont peur de ceux qui les ont à l’œil. Quand nous sommes morts, ça laisse la liberté à chacun d’agir, contre les signes de notre mémoire.

    9

    A ma sortie de l’hôpital, tout blanc, momifié des pieds à la tête dans le plâtre, je marchais cahin-caha. C’était la panique à un kilomètre à la ronde. Tous les va-nu-pieds installés à l’accoutumée sur les banquettes du hall d’entrée de la mosquée s’enfuirent « Le diable s’est ressuscité !», disaient-ils. Le seul miraculé de l’accident. Mes rares amis avaient succombé à leurs blessures. Je me dirigeai vers le cimetière, à l’extrémité du bourg où ils étaient ensevelis. Les culs levés apeurés imploraient : où j’allais ? Quelques-uns me talonnaient derrière, à pas de loup. Après une demi-heure de marche pénible, ils se rendirent compte que je sortais du village, en direction du cimetière. Un parmi eux souffla « Je vous dis bien que c’est un mort-vivant, sauvons-nous ! ». Un autre lança « Il va joindre ses amis morts pour mourir avec eux ! ». A l’hôpital, on m’avait dissimulé, le décès de mes amis. Je voulais me recueillir devant leur tombe. De quoi ai-je peur ? Des cimetières ? De quoi ai-je peur ? de la mort ? J’avais bien eu l’occasion de faire le choix entre la mort et la vie. Je fis le veilleur d’outre-tombe tout le long de la nuit. Que c’est bon d’y vivre ! J’aurais pu être sous les dalles des tombes parmi mes amis. Et j’aurais dit que c’est délicieux de s’éteindre dans un cri étouffé. La mort ou la vie, c’est du pareil au même. Ma préférence de revenir à la vie, était exclusivement pour narguer mes ennemis jurés, les cocus, les coquins, les fripouilles.... Afin de les déculotter, les encanailler, les emmurer... Au royaume des trépassés personne n’oserait me débusquer. Je n’appartiendrais plus à la communauté des bipèdes vivotant, la haine au cœur. Toute la nuit, la lune argentée m’avait souri aimablement. Elle illuminait leur tombe. J’avais senti un apaisement m’habiter à petite dose. Je n’avais appris, le décès de ma grand-mère qu’à ma sortie de l’hôpital. La porte de sa mansarde était fermée à double tour. Où voulez-vous que j’aille, villageois de mes deux ?

    10

    Tôt le matin, un garde champêtre glabre, coiffé d’une casquette immaculée, vint cogner à la porte de la mansarde de ma grand-mère. Il tambourina si fort qu’il déclencha un sauve-qui-peut, dans l’enclos où sont attachées la vache et les chèvres. Le branle-bas. J’avais pensé que tout aller s’écrouler. Ouvrant à peine mes yeux endormis, je me hâtais pour m’aviser de ce névropathe qui m’avait tiré du sommeil. A ma grande surprise, c’était Hamadache le chambite, le mal aimé, lequel balbutia, que le maire me convoquait d’urgence. Furieux d’avoir été réveillé si tôt, je lui criai à la figure « Que me veut-il, ce vendu d’élu ? ». Intimidé, il réajusta sa boule de chique à la lèvre supérieure, s’excusa et fila. J’étais contraint à d’interminables salamaleks avec l’armada de responsables locaux du parti unique, des conseillers en tous genres, d’anciens combattants de la guerre de libération, de l’association des enfants des martyrs, de l’union des femmes, etc. Quelle punition ! Le maire nageant dans un costume sombre, me souhaita la bienvenue et m’indiqua du doigt un siège. Du regard, je fis le tour du bureau, couleur capucin, les murs tapissés du portrait du colonel président, moustaches rasées. Et d’affiches délavées, de la dernière campagne électorale, ayant subi la torture de l’offset. Je m’attendais à un procès bis ou à quelque chose d’oublié, en rapport avec la sono volée, mon séjour en prison ou mon exil en France...Qui sait ? Excédé de tout et de rien, mes membres ne flageolaient plus. Il y a longtemps que j’avais perdu toute émotion. Les catastrophes, je m’en contrebalance. Je m’étais trouvé à deux doigts du trépas, c’est moi qui décidai aujourd’hui de la mort et de la vie. Dès que je pris place, un silence de nécropole pesa de tout son poids. J’avais senti que je dominais la condition. L’homme fort, hors du temps et de l’espace. Le maire irrité par la charge émotionnelle que j’irradiais, rompit le silence en me saluant, me parlant du temps qu’il faisait, comme un vieux compagnon des moissons. Je n’y avais pas résisté, j’emboîtais le pas.
    -Que me voulez-vous, gens de bonne famille ? Regrettez-vous l’imam, le voleur ? Le maire promptement répondit.
    -Mais non, soyez le bienvenu, voulez-vous des rafraîchissements ?
    - Merci, je ne bois que de l’eau. Le maire apostropha un employé pour m’apporter une bouteille d’eau minérale.
    -On a besoin de votre talent d’artiste.
    -C’est aujourd’hui que vous reconnaissez que je sais tailler le marbre ?
    -Oui, depuis l’obtention de votre diplôme des Beaux-Arts. On voudrait vous confier un projet d’une importance éminente. On sait que vous le réaliserez avec dévouement. Au tour du responsable du parti unique de prendre la parole, une cigarette entre les dents, il expectora par terre si fort que son corps tressaillit.
    -Au nom de Dieu clément et miséricordieux ! Conformément aux dernières résolutions du congrès extraordinaire de notre parti, les militants du district, les élus locaux et les membres des unions des organisations de masse, ainsi que le maire, le préfet, le sous-préfet, le commissaire, et le commandant de secteur, en commun accord ont décidé de sauvegarder la mémoire, des martyrs de la guerre d’indépendance, en édifiant un monument prestigieux sur le rond-point de la commune. Sachant que vous êtes doublement fils de martyrs et artiste émérite, décoré par le président de la république et par le préfet ; il n’y aurait aucune raison que vous refusiez notre vœu. J’allais répondre, mais le responsable politique, chevronné dans les discours délirants, continua son speech.
    -On sait que votre père, compagnon d’arme tombé au champ d’honneur, fut un combattant redoutable, insaisissable. Il séjourna des années dans les geôles colonialistes. Malgré les pénibles tortures qu’il subit, il ne dénonça aucun de ses frères d’arme. Plusieurs membres de votre famille ont péri lors des raids aériens. Grâce à la confiance qu’on a pour vous, on vous a donné une bourse qui vous a permis de poursuivre vos études supérieures des Beaux-Arts. Vous êtes revenu avec des titres et des diplômes honorifiques et nous en sommes ravis. Réaliser un monument est un acte de bravoure et de militantisme. Et cela tient de la dévotion de votre famille révolutionnaire. Au maire d’ajouter.
    -On mettra tout à votre disposition, les ouvriers spécialisés de l’entreprise communale, engins, hangars, voiture de service, en plus des dîners dans les hôtels touristiques ... Sans trop attendre, je répondis.
    -Arrêtez vos litanies d’une guerre sanglante. Vous devriez savoir que je suis dans l’incapacité de réaliser quoi que ce soit. Les années de désœuvrement m’ont brisé l’échine. Mon cerveau s’est ratatiné. Mes mains se sont atrophiées. La privation alimentaire m’a amenuisé. Je ne sais que faire des morts, que vous avez oubliés depuis des décennies. En un seul corps, ils se levèrent. Le responsable du parti froissé par ma réponse, amorça une phrase.
    -Qu’est-ce qui ne va pas ? On ne changera pas les directives de notre congrès extraordinaire. Notre histoire nationale mérite d’être glorifié par des oeuvres d’art. Le représentant des anciens combattants, que je n’avais pas entendu à mon entrée au bureau, renchérit.
    -On nous a bien dit que vous êtes anarchiste, cela se confirme. Vous fuyez devant vos devoirs de citoyen intègre. Vous vous foutez de l’intérêt de la nation. L’assistance se figea dans l’expectative. Je n’entendis que le vrombissement des mouches qui tournoyaient près des bouteilles de limonades décapsulées. Le maire s’étrangla dans un hoquet. Le responsable du parti épongea son front tout en sueur. Il crachota toutes ses alvéoles pulmonaires. Un jeune homme affichant un insigne d’une association, hasarda avec gêne des supplications.
    -De grâce, exécutez-nous le monument, rien que pour que nous souvenions de nos valeureux combattants, nos pères qui nous ont laissé orphelins. A ce moment, j’éclatai de rire.
    -Je m’en fous de vos pères, de vos martyrs, de vos combattants, de votre histoire, de votre indépendance, de votre parti et de votre colonel président ! Ceux qui ont écrit l’histoire de leur propre sang sont sous terre. On a bien vu à l’indépendance, les places publiques des cités, des villages ornées de croissant et d’une étoile où des scouts entonnaient des chants patriotiques, les enfants des martyrs se faire circoncire et les filles contracter des mariages idylliques. On a sacrifié des moutons et leur viande fut distribuée entre frères et sœurs de la même patrie... Qu’est-ce qu’il en reste ? C’est l’oubli des amnésiques. Ahané par l’inflexion de ma voix, je demandai le maire où se trouvaient les w.c : pisser un coup et y réfléchir. J’y méditais, est-ce qu’ils ne sont pas en train de monter une combine pour me coffrer de nouveau ? A ma sortie des toilettes, l’élu communal m’accueillit à la porte et me dit à voix basse.
    -Signez le contrat, demandez n’importe quelle somme, on vous l’accordera. On ne va pas s’oublier ? Entre nous c’est kif kif. Indirectement, il me laissa entendre la tchippa, un pourcentage à percevoir sur le contrat qu’il me forçait à parapher. Je repoussai violemment l’élu et j’avançai vers les responsables.
    -Allez vous faire cuire un oeuf avec votre monument de mes c... Les enfants des martyrs ont besoin de logements, de médicaments, d’hôpitaux, d’écoles, du travail, de respect... Je claquai la porte et je déambulai à l’air libre. Au fond de moi, j’adore les monuments publics. J’avais dessiné, sculpté, moulé... dans les ateliers de maître en Italie, en France. J’avais visité un grand nombre de musées, de galeries, de collections privées d’œuvres d’art. Mais quand je pense aux monuments de chez nous, j’ai la poisse. Aucune considération pour la chose figurée. La déferlante vague islamiste a tout emporté dans son passage. Léo du stade municipal, les angelots des entrées des immeubles de style baroque, le monument aux morts de la Deuxième Guerre Mondiale ont été déboulonnés et jetés, on ne sait où. Même le buste du héros de la résistance à la conquête colonialiste et la Vénus qui orne la fontaine d’une ville des hauts plateaux ont été dynamités. Pour quoi gâcher de l’argent à édifier des monuments, si on ne les protége pas ?

    11

    Peut être un mois ou deux plus tard, je répondis aux doléances que le maire m’avait adressées par voie postale. Etant sans cesse au cimetière, dans la mansarde de ma grand-mère ou sous le chêne, personne n’avait tenté de m’approcher. Dans un coin du gîte de ma grand-mère, j’avais aménagé un atelier pour la circonstance. J’avais ébauché la maquette de ce que devrait être le monument en question. Je ne vis pas du tout, planté sur un piédestal, un personnage coulé en bronze, revêtu d’une kachabia, moustaches en guidon, et empoignant un fusil. J’ai horreur de la guerre, des gens qui tuent, pour gagner une bataille. En revanche, je suis fasciné par le Mahatma, qui avait décolonisé son pays, en imposant à ses adeptes, la discipline d’une lutte pacifique, et sans recourir aux armes. Je travaillais à la maquette, tout en étant convaincu, que j’aurais du mal à la faire accepter par les élus locaux. Elle allégorisait Vishnou, le Dieu Tout Pénétrant, l’Omniscient qui protége et soutient. C’est le Dieu qui vient sur terre sous la forme humaine pour sauver le monde et inspirer l’amour. Il est marqué par la bhakti, fidèle, dévouement profond et mystique.
    Pendant les longues nuits de besogne et d’insomnie, le laboureur, le médium, m’avait tenu compagnie, en me faisant savourer les fruits cueillis dans son jardin, au bas de son hameau.

    Publiée dans ‘’Traversées’’, revue littéraire belge, le 22 novembre 2002
    Mise en ligne par Kabyle.Com, le 24 février 2003




    Et aussi

    L’homo erectus


    Après une conférence de presse sur le « Festival des Jeux Méditerranéens » dans une ville frontalière, je me détachai du groupe des journalistes et allai musarder dans une vieille citadelle, bâtie par les Génois sur le piton d’une presqu’île. Mes pas m'emmenèrent sur ses ruines, quand une bande de marins pêcheurs aux bras noueux et tatoués m'encercla et me lia les poignets, sous le regard ébahi de quelques touristes. Ils me roulèrent à terre et tour à tour, ils me rossèrent de coups. Ensuite, un de cette bande de voyous me piqua la nuque à l’aide d’un canif et me contraignit à marcher à quatre pattes vers une margelle, tandis que les autres soulevaient une énorme dalle. Ils me poussèrent brutalement dans une trappe. Je tombai à quelques mètres au fond d’un gouffre obscur, aux parois lisses et sans issue. Je sentis une douleur effroyable au niveau de ma cheville. Un os s’était cassé sans doute. Je hurlai et les échos me renvoyaient une voix caverneuse, d’un profond abîme.
    Le temps s’écoula, la dalle s’ouvrit, mes ravisseurs me lorgnaient de leurs yeux fiévreux, sans prononcer un mot. Ils me jetèrent un sachet de glibettes. Grains de tournesol, de manière à compter mes jours, me dis-je. L’épaisse pierre boucha la trappe dans un bruit assourdissant. Puis, J’entendis le va-et-vient de leurs pas sur la dalle, leurs grognements, pestant contre ma personne.
    Puis encore une fois, la dalle s’ouvrit. Munis d’une torche et d’une corde, les kidnappeurs descendirent un à un dans le gouffre. Ils me bousculèrent et m’ordonnèrent de me tenir debout. Je tentai de me relever, mais la douleur immobilisa ma jambe. Je leur avais dit que l’os de ma cheville s’était brisé. Un, d’entre eux hurla « Fils de la honte, dégage d’ici ! ». Ils se ruèrent sur moi, me passèrent sur le corps et firent glisser une énorme porte en pierre encastrée dans la paroi de la fosse, que je n’avais aucunement sentie en tâtant les murs. Alors, comme j’étais incapable de me relever, ils m'entraînèrent sur le sol, en me tirant par le bras au risque de me démembrer, vers un autre boyau. Derrière l’homme tenant la torche, j’aperçus une galerie de plusieurs cachots. Desquels, me parvinrent des gémissements, des râles. Je me dis en mon for intérieur, c’est le sort qui m’est destiné ! Un frémissement gagna tout mon corps, me fit oublier la douleur de mon pied. Du coup je me mis sur les deux jambes et surpris le ravisseur, qui changea de prise en me pliant le bras derrière le dos. Et je me retrouvai devant lui. Une odeur nauséabonde m’accueillit. J’avais l’idée que tous les égouts de la ville frontalière débouchaient en cet endroit. Ils me poussèrent dans une cellule creusée dans la roche, refermèrent le verrou et disparurent.

    Après deux jours, peut être trois, je n’en savais rien, la faim me tordit les entrailles. Deux individus d’une grande laideur et d’une taille phénoménale, l’air pressé ouvrirent la porte grinçante de ma geôle et beuglèrent « Sors de là espèce de rat d’égout ! » Ils déchirèrent la manche de ma chemise, me bandèrent les yeux maladroitement. Ensuite, ils me nouèrent les poignets avec une corde qu’ils avaient sur eux. Ils me forcèrent à marcher en clopinant sur une jambe convalescente. Au bout de quelques pas, le bandeau glissa sur mon nez et me permit de voir où ils m’emmenaient. Nous parvînmes devant une porte sombre qu’un des hommes ouvrit en faisant un bruit de ferraille. Un courant d’air marin submergea la galerie, je devinai que c’était la porte de sortie de ce lieu de détention. Nous la franchîmes, des sentinelles déguisées en clochards la fermèrent en murmurant des salutations à mes ‘’accompagnateurs’’. Nous débouchâmes sur un appontement où un chalutier était amarré à une digue qui semblait nous attendre. Son moteur ronronnait en dégageant une odeur étouffante de mazout. Un des gorilles me souleva comme une plume et me transborda sur son pont. Les passagers m’accueillirent et me jetèrent dans le fond d’une cale, parmi l’attirail de pêche. Le moteur ronfla fort et le chalutier rameuta de grosses vagues qui compressèrent sa coque. Une forte odeur de mer me pinça les narines. Le bateau prit un itinéraire que je ne pus identifier. Il fit quelques cabotages le long de la côte, soit pour se cacher des gardes frontières ou afin que je ne puisse pas reconstituer l’itinéraire emprunté, alors qu’à leurs yeux, portant un bandeau, j’étais privé de vue. Isolé entre les filets et les flotteurs, privé de lumière, je pus en trifouillant trouver un poisson que j’avais mangé cru. Ma faim s’apaisa. Je murmurais des vers que j’avais écris antérieurement, lors de ma première fois pour une virée en bateau, m’approchant des côtes de mon patelin.

    Tu m’es apparu par une matinée ensoleillée
    Juste derrière le cap
    A quelques encablures
    Tu étais lente pour te brandir
    Mais tu as irradié

    Le bateau tanguait
    Les passagers alertés par ton existence
    T’examinaient au-delà de l’horizon
    Alors que tu loges derrière le cap

    Les doigts de tes pieds teintés de corail
    Immergent dans une calanque inabordable
    Ta jupe bleue, soulevée par la brise
    Dénude tes mollets de quartz blanc
    Ta crinière soutenue par des pins odoriférants
    Parsème les tourbillons de fleurs d’oliviers

    Cela suffit-il pour qu’un tourtereau te fasse la cour ?
    Je prends le cap pour mon pays

    Une simple intuition me dit que le chalutier avait pris le même itinéraire que celui que j’avais pris pendant la virée en mer. Dans une nébulosité, comme s’il dérivait, il accosta à un embarcadère qui me sembla désert au silence régnant, hormis les clapotis des vagues, alors qu’en cette période, les pêcheurs sortaient pour la pêche à la sardine. L’idée d’une exécution me vint à l’esprit. Est-ce la fin de mon supplice ? M’interrogeai-je. Des mains vigoureuses m’empoignèrent, me sortirent du fond de la cale, me descendirent du bateau. Ils me charriaient dans un endroit où une tour de forme octogonale était dressée au pied d’une montagne. Un bossu portant un trousseau de clefs à la ceinture poussa une porte rouillée qui s’ouvrit sur un groupe d’hommes. De leurs voix sifflantes, accusant un accent de l’est de mon pays, ils m’accueillirent par des « Allah Okbar ! Bienvenue au taghout… ». Un autre lieu d’enfermement ! Exclamai-je en mon for intérieur. Il me paraissait que les inconnus du chalutier m’avaient conduit de l’autre côté de la ville frontalière.

    Plus tard, j’appris par un détenu contraint de faire office de garde-chiourme que dans d’autres taules où ils m’avaient fichu, végétaient des personnes gardées au secret, sans jugement et sans nouvelles pour leurs familles. Le prisonnier s’enquit de ma santé en dépit de ses pieds enflés, de ses genoux et coudes irrités. En le torturant, les bourreaux lui avaient coupé les orteils. Il me réclama le motif de mon accusation, lequel ne m’avait pas été communiqué jusqu’à ce moment. Il me confia que le seul délit dont sont accusés ces captifs était le fait d'appartenir au mouvement démocratique, d’avoir manifesté dans la rue contre le régime des généraux de connivence avec les islamistes. D’autres, d’avoir chanté en berbère leur identité et leur liberté, dont un poète chanteur inculpé pour le fait d’avoir collectionné des armes hors d’usage, de la dernière guerre. D’aucuns d’avoir bravé la censure imposée à la presse. D’autres par contre, avaient fait l’objet d’un rapt dans les villes frontalières où ils s’étaient exilés, et avaient été transbordés clandestinement dans cette prison secrète. A l’insu ou de connivence avec la police locale.

    Mon os brisé de la cheville s’infecta dans l’indifférence de mes bourreaux, lesquels ne m’avaient prodigué aucun soin. Fiévreux, j’envisageais ma mort imminente, dans ce foutoir sans hublot, sans literie, sans couverture, sans latrines. Hanté sans doute par le décès du captif, qui m’informait de tout. Et qui me tenait compagnie. Son corps s’était infesté d’abcès, une variole, une peste noire… ou je ne savais quoi ? Des souvenirs, étant les seuls réconforts, me revenaient dans la noirceur du cachot.
    Le bec de la chicha ballant entre mes lèvres, j’étais distrait par l’observation des pêcheurs aux cirés jaune citron s'apprêtant à s'embarquer pour une pêche prodigieuse. Leurs chalutiers jouaient au rodéo en mouvant sur les crêtes écumeuses des vagues en furie. Une musique de fanfare produite par le ressac montait des crevasses de la falaise sur laquelle nichait un café maure. Elle emplissait toute la corniche et pénétrait partout dans les cabanons. Elle fit revenir à la surface de ma mémoire mon amour idyllique qui avait pris naissance sur une plage en bord de mer, par un jour d'été, un jour d’hallucination, un jour sans fin... Des années s’étaient succédées depuis le temps où nous avions gravé, mon aimée et moi, « Notre poème », sur le sable humide. Ce petit poème, cette romance, se fondit dans le cycle des vagues récurrentes. Au cours des saisons estivales, probablement d'autres amoureux avaient écrit les mêmes rimes et chanté les mêmes complaintes. Qui sait ? La vie est ainsi faite. Mélancolie, gaieté, élan des cœurs... Tout me parut s'entremêler et me suspendre à l'horizon vaporeux. Je me levai. Je payai ma consommation.
    Dehors la nuit s’était établie. Je déambulai sans savoir où. Je cheminai sur un talus dépeuplé durant une petite demi-heure, quand j’aperçus, au gré des battements de rayons sélénites, des taches blanches, tels de petits papillons, disséminées sur un champ situé en aval, en bordure de la mer. Chose curieuse, je ne les avais identifiées qu'après être à proximité. Il s'agissait bel et bien de tombes de pêcheurs, que les éclaboussures de la houle arrosaient assidûment. Je compris sans être nihiliste qu'en ce lieu insolite, la vie et la mort se donnaient une accolade immuable. Pourquoi tant de tragédie devant la faucheuse ? Les marins pêcheurs, en prenant le large et en revenant les filets pleins ou vides, franchissaient communément le cimetière sans aucune inquiétude. Dans la vie finissante, il y a absence de larmes et de chagrin. Se trouver vivant hors des pierres tombales qui couvrent les sépultures ou mort par-dessous, c'est du pareil au même, méditai-je. Les vivants actifs et les morts inertes se tiennent compagnie dans cette étendue du cimetière et de la mer.
    Feu Tahar Djaout avait-il raison de craindre d'être délaissé par ses proches ? « Je craignais de mourir aussi. Il n'y a que les morts qu'on abandonne, sans se soucier de savoir s'ils ont peur ou non tous seuls dans l'obscurité lugubre des cimetières. Moi, je n'ai rien à voir avec cette obscurité souterraine qui ne possède pas de fin. Alors pourquoi m'abandonne-t-on ?
    J’errai longtemps dans le cimetière en songeant à ce qu'était « la vie terrestre » de chaque « locataire » de la tombe. Y a t-il des femmes inhumées ? Des femmes marins pêcheurs ? Je n'en savais rien. J’étais partagé entre le réel et l'irréel. J’avais oublié comment j’étais arrivé dans ces voisinages. Je détalai du cimetière en empruntant une venelle qui me conduisit dans le lacis d’une médina éclairée par des réverbères moyenâgeux, sinistrés des vents hurlants, des averses poignantes et de la tire boulette de gavroches. Une heure, deux heures ou plus que je sache, j’aboutis sur un belvédère en partie affaissé. Un banc en pierre, comme posé dans un rêve exceptionnellement pour moi, et qui comptait sur mon arrivée, tenait lieu d'observatoire. Je m'assis en silence. Aux alentours, il n'y avait pas une âme qui vive. Je tirai un carnet de ma poche et me mis à rédiger.

    « En venant en ce lieu ouvert aux vents et aux vagues, je ne savais pas ce qui allait m'arriver. Je glisse comme dans un songe éveillé sur les crêtes mousseuses des vagues. Relater mon bonheur furtif et mon écœurement saillant suffit-il pour réconforter le cheminement de ma vérité et de mon ombre cahotante ? J’ai décidé de me rendre en ce site de solitude, afin de fuir le quotidien poisseux, agonisant... Où irai-je sinon ? Ce bout de terre perdu au cou d'antilope allongé vers un pays mystérieux s'annonçant par ses îlots à l'horizon, adoucit ma peine. A l'odeur de la brise de l’onde, je plane dans le brouillard des matins printaniers. Tout se joue sous forme d'une symphonie cosmique. Je m'enfonce dans un décor surprenant, un décor à la peau diaphane. Les galères sans voix, abasourdies par la beauté de l'étendue marine reviennent de leurs courses, jettent leurs cordes d'amarrage sur des quais de fortune.
    Mes confrères contraints de s'exiler dans les lointaines contrées se sont battus et se battent encore, sans baisser les bras. C'est à eux que je pense tant. Je suis persuadé qu’un matin je prendrai, mon baluchon.
    Pourquoi partir ailleurs ? Cet ailleurs est-il préférable au rocher des ancêtres ? Je ne cesse de tremper ma plume pour leur écrire et leur rappeler nos souvenirs pérennisés dans la mémoire de la mer ».

    Libéré à peine de ce qui me tenaillait, je rangeai mon calepin et j’empruntai la ruelle d'où j’avais débouché, me dissipant dans la nuit ténébreuse.


    Après le trépas du détenu contraint de me surveiller, devenu par la force des choses mon compagnon, je subissais de longues heures de torture physique et psychologique, arrachage de dents, d’ongles, de poils, de cheveux, pincements des bourses, du gland, des tétons, des lobes des oreilles. Par intermittence, introduction de clous, de trombones dans les oreilles, dans l’orifice du phallus. Pour clore leurs séances de défoulement tous azimuts, mes ravisseurs m’aspergeaient le visage avec un récipient débordant de pisse des séquestrés, en me beuglant « Bois à ta santé ce cocktail ! »
    Parfois ils me déshabillaient et me badigeonnaient le corps avec des excréments et des vomissures qu’ils amenaient dans des bidons de conserve des cellules avoisinantes. Les méthodes de souffrance variaient continuellement avec les tortionnaires. A chaque fois que je défaillais, ils interrompaient le martyre et recommençaient de nouveau dès que je me réanimais. Je ne m’étais point imaginé qu'il y avait des esprits aussi tarabiscotés d’animosité contre l'être humain. J’étais convaincu que le jugement des hommes était ce qu’il y avait de pire. Il n’était pas nécessaire d’attendre le Jugement dernier comme le décrivent les gens du Livre. Il a lieu tous les jours.
    Tantôt, ils faisaient venir des malades mentaux évadés de centres psychiatriques ou pris dans des terrains vagues, dans les cimetières de voitures, sous les ponts. Crados, pouilleux, baveux, leurs peaux rongées par le soleil et les furoncles, yeux exorbités, ils les propulsaient contre moi en ouvrant dans un bruit infernal la porte du cachot. Sans défense, la jambe paralysée, les mains liées, ils me tailladaient ce qui restait de mes vêtements. Ils me crachouillaient sur le visage, me mâchonnaient le nez, les oreilles. Ensuite, les bourreaux leur donnaient des chaînes à vélo, des nerfs de bœufs et les stimulaient en braillant si fort qu’ils me cinglaient tout le corps. Je me pliais de douleur. Une fois que leur délire avait perdu de son intensité, ils entamaient des chants liturgiques en tapant des mains comme dans une halqa. De la sorte, je passais mes jours et mes nuits dans ce trou.
    Une fois, tout à coup, à brûle-pourpoint, un des bourreaux qui me torturait se figea dans un garde-à-vous martial et cria Allah Okbar ! Tous ses compagnons et les malades mentaux firent de même, en poussant des Allah Okbar ! stridents qui tranchèrent les parois des cellules. Un groupe d’hommes mystérieux se pointa et une voix surgit, me demandant de m’approcher pour m’examiner. Le bourreau en besogne me souleva par la culotte et me propulsa devant leurs pieds « Le voilà le taghout ! » Formés en demi-cercle, ils allumèrent des lampes de poche en braquant leurs faisceaux pour m’aveugler. Un des tortionnaires, excité au plus haut point, saisit une page d’un journal, s’abaissa à mon niveau et me la montra. Et me dit.
    -Pourquoi as-tu écrit cette chronique ?
    Un individu coiffé d’une casquette de jockey, escorté de deux ventripotents en kamis, barbus et enturbannés à l’Afghan, entra avec fracas dans le demi-cercle, lui arracha la page de journal. Il brama.
    -C’est moi qui vais lire son torchon.
    Le bourreau abdiqua en lui adressant cette formule « Pardon Grand émir des croyants !» Il lui baisa la main droite.
    « Ces derniers jours, la hache de guerre des islamistes et des hommes de l’ombre est sur le point d’être déterrée. En un chœur homogène, les deux barbus hurlèrent « Allah Okbar ! » Il reprit « Les Journaux Télévisés de 20 heures, de toutes les chaînes confondues ne cessent de nous frustrer, stresser et de nous ôter toute évasion mentale, minime soit-elle. Bien que notre espoir soit placé ici dans notre pays libéré et rendu à ceux qui le chérissent après des sacrifices qui ne seront pas oubliés de si tôt. Ils hurlèrent de nouveau « Allah Okbar ! Tuons le taghout ! », en entraînant cette fois-ci les malades mentaux qui me tenaient en respect. Le chef continua « L’Hexagone se trouve à quelques brasses de nos côtes et nous en sommes suffisamment conscients pour échanger nos cultures et entrelacer nos vies communautaires. Toutes les maladresses, le déséquilibre de notre continent qui a enfanté la rage de conquérir les libertés démocratiques et de vivre sereinement seront corrigées. Ces peuples sont déterminés à ne plus subir l’arbitraire, une vie arrosée de pleurs. La violence et les terrorismes seront à jamais rayés de la planète ». Ces derniers mots lui fit arracher sa casquette en laissant découvrir un crâne difforme, rasé en broussailles. Il leva les bras en l’air et hurla de toutes les forces de son gosier « Tu auras le supplice qu’aucun taghout n’a eu encore ! » Mon corps congelé frémit. Le juge orateur reprit la phrase qui l’avait irrité. « Ces peuples sont déterminés à ne plus subir l’arbitraire, une vie arrosée de pleurs. La violence et les terrorismes seront à jamais rayés de la planète. La violence et les terrorismes sous toutes les formes, n’engendrent que la léthargie, l’hibernation de toutes les énergies du développement intellectuel et de la création technologique. Personne ne léguera aux vestiaires l’amertume, l’angoisse, en voyant les musées, les édifices publics, les universités, les hôpitaux... ravagés par des incendies criminels ou par des attentats à la bombe. Terrassé également par la destruction de l’ancienne résidence des Habsbourgs à Vienne où ont eu lieu les négociations sur le désarmement et la coopération en Europe. Les bourreaux tendirent leurs bras en articulant « Heil Hitler ! » Les deux ventripotents islamistes concordèrent « Tahya Cheikh Hitler ! » Il continua sa lecture « C’est à croire que les établissements publics sont nés sous des signes astraux maléfiques. Même les bibliothèques où toutes les archives confidentielles sont jalousement conservées sont touchées par les flammes. Cela signifie que des groupes de commandos islamistes font des brèches dans les grands symboles de ces nations puissantes. » L’orateur s’arrêta de lire et avec son soulier m’écrasa la face contre terre « C’est moi qui te tuerai ! Plume d’oiseau ! » Grogna-t-il. Il continua l’argumentation de son procès. « Tout ce tableau grisonnant ne laisse pas notre conscience suivre avec quiétude le journal télévisé en pensant à nos pantoufles et à siroter un thé au jasmin. » Il avala sa salive de travers, toussota et reprit ses injures. « Comme ça tu nous insultes et tu mets tout le monde dans le même sac ! » Il me releva par le col et me dit « Tu vois ces hommes au kamis blanc ? Ce sont mes potes. Ce sont des islamistes. Nous avons signé un pacte avec eux pour bouleverser le monde. Détruire les régimes démocratiques, les libertés, le progrès. »
    -Je ne vois rien, écartez les lampes de mes yeux. Répondis-je.
    -Non ! Vous allez crever aveuglés par la lumière, vous les chercheurs de vérité.
    Je reconnus parmi ces hommes mystérieux et les deux islamistes, un agent de l’ambassade. Il était présent à la fête nationale scandinave. Il tempêta.
    -On connaît tout sur toi. Tu as collaboré avec les ambassades, les agences de presse étrangères, en donnant de fausses nouvelles sur notre pays. Selon la terminologie des tribunaux militaires, on appelle ce délit, intelligence avec l’ennemi. Tu n’as jamais cessé de dénigrer l’armée nationale lors de ton court séjour dans le pays. Tu as aidé ton confrère Mahfoud, un communiste, à se cacher et à s’enfuir. Le salaud ! Il nous a salis en écrivant un torchon sur mes supérieurs. Mes services t’ont à l’œil. Ils ne t’ont jamais lâché d’une semelle. On sait même ce que tu as rêvé hier matin. Ils ont trouvé le moment pour te capturer dans la ville frontalière et te ramener comme un poisson dans un filet, ici, chez nous, dans une forteresse. La voie maritime est plus sûre afin d’échapper au contrôle de la police frontalière. On ne veut pas avoir d’histoire avec nos voisins !
    Quel lien y a t-il entre l’ambassade, ces hommes mystérieux et les islamistes ? C’était une énigme pour moi. De ce fait, par la lecture de ma chronique, j’appris la cause de mon internement.
    Ils me remirent dans mon cachot et disparurent tous, y compris les fous.

    À partir du jour de ce procès à huis clos, organisé par une camarilla constituée d’islamistes, d’un fonctionnaire de l’ambassade et d’inconnus, j’attendis la damnation finale. Le supplice d’enfer que j’allais subir les jours proches. Je m'adaptais psychologiquement et physiquement aux cauchemars de la torture quotidienne, lesquelles n’avaient pas cessé. Les tortionnaires n’avaient pu venir à bout de ma volonté de « vouloir vivre ». A chaque séance de torture, je proclamais en moi et de toutes mes forces « Que je ne me laisserais ni fléchir, ni abandonner mes grands idéaux de liberté et de résistance à l’injustice ! » Par désespoir, seul dans mon cachot, parfois j’étais obnubilé par l’idée que je n’aurais pas assez de temps pour accomplir ma mission. Une mission obscure peut être pour mon entourage et pour moi-même. Mais chacun de nous n’est-il pas lié à une mission enfouie au fond de soi-même, si minime soit-elle ? Sinon, pourquoi vivre ? Plus tard, craignant que j’envisage un suicide, les ravisseurs me transférèrent, pour ainsi dire paralytique vers un autre boyau. Ils m'attachèrent les poignets avec des menottes, me bandèrent les yeux et me joignirent à d'autres détenus attachés loin les uns des autres. Un gardien dans la geôle nous empêchait de communiquer entre nous. J’étais dans les mêmes vêtements depuis près de trois mois ou plus de captivité et de géhenne. Ils m'avaient interdit de laver mon linge. D’ailleurs le laver comment et avec quoi ? Ma blessure, que je pansais avec la manche de ma chemise, ne guérissait pas.

    Un jour ou une nuit, il m’était impossible de savoir s'il faisait jour ou nuit, les gardiens se mirent à ouvrir les portes avec un fort bruit de cliquetis de clefs et le crissement des serrures. J’entendis une voix demandant des secours « Ramenez des secours, des brancardiers ! » Mystérieusement, ils ne voulaient pas nous garder à cet étage de boyau. Ils nous firent descendre un à un à travers des échelles spiralées, dans les profondeurs de la terre, pour nous enfermer dans des alvéoles personnelles. Plus tard j’appris, par des gardiens qu’ils nous mirent à chaque porte des cellules, que les tortionnaires avaient découvert des corps en putréfaction. De détenus oubliés, morts de faim ou de maladie.
    Cette prison était un lieu effrayant, avec son froid hivernal, ses bestioles venimeuses, ses saletés et son visage hideux d'enfer qui terrifiaient les esprits. Les cellules se présentaient sous forme de monstres aux orifices béants absorbant des êtres humains avec leur chair, leur sang et leur intelligence.

    Au bout de quelques jours, les tortionnaires n’ayant obtenu aucun aveu, changèrent de méthode. Ils me forçaient à faire la prière cinq fois par jour, et une très longue le jour du vendredi. Cette pratique me permit de compter mon temps d’emprisonnement en comptant les prières. De ce fait débuta une nouvelle étape avec les persécuteurs. Le premier, jour en remarquant que je ne pouvais ni me tenir debout ni me courber, ils examinèrent mon entorse. Devant la gravité de la blessure, ils m’évacuèrent dans un hôpital de campagne, établi dans un boqueteau transfrontalier. Le médecin opérant décela la brisure de l’astragale, l’os de la cheville. On dit que c’est l’os qui permit à l’Homo erectus de se tenir sur ses pattes de derrière. Son nom vient de cette moulure ronde, qui dans une colonne grecque ou romaine, soutient le chapiteau et le sépare du fût. Le médecin opérant me confia.
    -Nous sommes maîtres de ta volonté de te tenir debout, cette station verticale si chère pour toi et tes acolytes démocrates.
    Plus tard, je notifiai « Etre debout ? Que de force pour ébranler les régimes tyranniques ! »
    Dans le temps, j’avais écrit ces strophes.

    Dans la tempête de sable
    Les dunes ensevelissent les amis
    Et leur ôtent la vie
    Faute d’avoir su dessiner
    Le poids qui écrase nos espoirs
    De rester DEBOUT.

    Sous anesthésie, je ne pus voir personne rôder autour de mon lit de campagne. Après l’opération qui prit beaucoup plus de temps que prévu d’après le médecin opérant, les bourreaux me reconduisirent en prison. Appuyé sur des béquilles, j’avançai difficilement entre deux rangées de gardiens qui avaient l’œil sur les portes des cellules. Les bourreaux me firent faire un certain nombre de tours, puis empruntèrent des escaliers en pierre débouchant sur un passage étroit et bas. Un gardien me poussa vers une porte métallique et un autre bourreau me surprit de derrière d'un violent coup de matraque. Je m’étais alors retrouvé dans un autre cachot humide et glacial. Je tombai évanoui, le sang dégoulina sur mon visage. Pourquoi m’avoir soigné, et me blesser de nouveau ? Pourquoi m’avoir conduit dans une autre cellule ?
    Réanimé, allongé sans force sur la paillasse, l’idée de mon évasion se profila. Elle n’aurait lieu qu’une fois ma blessure à la tête cicatrisée. Que je me rétablisse solidement sur mes deux jambes !

    Bloc-notes :

    « Tour à tour on élimine les journalistes, toutes tendances confondues. Des journalistes à la fleur de l’âge. Ceux qui ont fait de leur métier une raison, une philosophie, une vie tumultueuse, parfois enorgueillie de jours heureux. Sous le coup de l’émotion, de pressions politiques, le gouvernement sous la houlette des cabinets noirs promet une protection accrue. Hélas, une fois le temps du recueillement achevé, un relâchement s’installe. De nouveau, la spirale des assassinats tournoie. Cependant, les deux parties belligérantes jouissent d’une bipolarisation tous azimuts, elles se foutent éperdument de la société civile qui loin des tractations politiciennes, ne veut que vivre et vaquer à son travail. Quelle solution face à cela ? Les perspectives demeurent sans appel. »










    Pont sur la Soummam à Sidi Aich, village de mon enfance

    19/02/2005 14:07

    Pont sur la Soummam à Sidi Aich, village de mon enfance


    Extrait "de la soummam à la moselle", par Ali Sayad

    « Comme n’importe qui », c'est-à-dire comme tout le monde. Et comme tout le monde, il a besoin que les choses aient un sens. Cet « ailleurs », il doit se trouver là comme s’il doit s’acquitter d’une obligation, comme si des voix lui ont fixé rendez-vous là. Cet ailleurs, c’est sa Soummam, ses tendres années à l’école communale de Sidi-Aïch, sa ville, ses camarades d’enfances qu’il a hâte de retrouver. Cet ailleurs, c’est chercher plus loin que le seul fait de son existence, c’est construire son monde imaginaire à l’intérieur d’un monde réel. Oui, il y a le monde, avec ce qu’on y rencontre ; et en parler, c’est être dans le monde. C’est là, dans cet ailleurs, qu’il maîtrise le langage fait de pondération et de persévérance des hommes et les femmes disparus, emportés par la tempête de la vie au cœur de la vie, et, enfouis au fond de son secret, ils vivent encore dans « les bruissements de nos blessures » (Folies, op. cit.). Il a capté leurs messages codés, il les lit et les comprend les yeux fermés, ils sont sa mémoire, sa quintessence, sa moelle, son suc, sa substance qui le nourrit assidûment.

    Il y vit jusqu’à l’obtention du BEPC. La prochaine rentrée il l’accomplit au Lycée Ibn Sina à Bougie, la ville éclairée par son nom. Parce que réputée par la qualité de sa cire, la ville possédait de nombreux ateliers où l’on fabriquait les fameux cierges qui y tirent leur nom et vendus dans toute la Méditerranée occidentale. Il apprend à lire les vestiges de la capitale des Hammadides, et l’histoire du prince des remparts, En-nassir Ibnu Hammad, le Victorieux fils de Hammad, Victor. Souvent on trouve l’adolescent hanter les sous-sols du musée de la ville, à reproduire les fresques qui font la gloire des lieux. Tout l’intéressait dans Bougie, le dédale des rues, les odeurs, les personnages, les dires…"

     






    Nouvel An berbère avec Farid Gaya

    19/02/2005 13:53



     

     

    Le Nouvel An berbère (Yennayer) sera fêté samedi par la communauté berbère de la région. Ce sera l'année 2955. Pour marquer cet événement une soirée spectacle est organisée à la salle des fêtes de Moyeuvre-Grande.
    L'association Amitié euro-berbère a invité le chanteur Farid Gaya pour animer cette soirée. Farid Gaya est un chanteur qui interprète les meilleurs succès kabyles. Nul doute que la communauté berbère apprécie particulièrement ses chants. Mais l'invitation à participer à cette soirée vaut pour toute la population. C'est là l'occasion de découvrir des chants et une culture pas si éloignés de nous. Farid Gaya a réalisé plusieurs albums.
    Lors de cette soirée, les danseuses du groupe Tiziri de l'association Amitié euro-berbère ainsi que les Chardonnette de la CFBBL seront également sur scène. Par ailleurs, un défilé de mode complètera cette soirée qui devrait se prolonger fort avant dans la nuit.

     

    Paru le : 2005-01-20 00:00:00 (Orne / Vallée






    Faire vivre la culture berbère

    19/02/2005 13:49




    La coordination des étudiants berbères de France en Lorraine (CEBF-Lorraine) est apparue, notamment sur les campus messins, au mois de juin dernier. Et il ne s'agit pas seulement d'une association culturelle de plus selon Hacène Lekadir, président de l'association et étudiant à Metz: "Cette coordination est présente essentiellement dans trois régions en France: Ile-de-France, Rhône-Alpes et Lorraine. Notre but est de promouvoir les valeurs et l'identité berbères - souvent très mal connues - à travers des actions culturelles telles que conférences, expositions, etc.> De fait, la Maison des étudiants du Saulcy et le théâtre ont déjà accueilli conférences et exposition à cet effet, des cours de langue berbère seront prochainement organisés. Une nécessité pour Hacène Lekadir: "Nous appuyons notre action sur les notions de démocratie, de citoyenneté et de laïcité qui sont au coeur de notre culture et dont la transmission, en même temps que cette culture, n'est pas toujours assurée comme il le faudrait... Ce qui autorise certaines dérives tout à fait dangereuses>.

    Un langage de responsabilité de la part d'un jeune homme dont l'action semble se situer à la frontière entre action sociale, culturelle et politique. Au programme des manifestations à venir pour la CEBF-Lorraine, une participation active, avec de nombreuses autres associations messines, au festival "Etudiants contre le racisme" prévu du 21 au 24 mars prochain mais aussi l'organisation en mai d'une semaine de la culture berbère pour faire connaître la culture et l'histoire de ce peuple singulier.

    Paru le : 2005-02-10 00:00:00 (Lorraine / LActualité)

     
    Nouvelle Recherche

     






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